TWIN PEAKS (1990-1991)

L’horreur, l’enquête policière, le fantastique, la comédie et la romance s’entremêlent dans cette série fascinante créée par Mark Frost et David Lynch…

TWIN PEAKS

 

1990/1991 – David Lynch et Mark Frost

 

Réalisé par Real

 

Avec Kyle MacLachlan, Lara Flynn Boyle, Sherilyn Fenn, Everett McGill, Jack Nance, Ray Wise, Joan Chen, Dana Ashbrook, Piper Laurie, Sheryl Lee

 

THEMA TUEURS I DIABLE ET DÉMONS

C’est en travaillant sur deux projets qui ne virent jamais le jour, une biographie romancée de Marilyn Monroe (The Goddess) et une comédie fantastique absurde (One Saliva Bubble), que David Lynch (qui sort alors de Blue velvet) et Mark Frost (scénariste de Hill Street Blues et Les Envoûtés) se lient d’amitié. Désireux de collaborer ensemble sur une série télévisée (sous les conseils de Tony Krantz, l’agent de Lynch), les deux hommes discutent à bâtons rompus et se focalisent sur une première image : le corps sans vie d’une jeune femme échoué au bord de l’eau, dans une petite ville américaine. Tout part de là. « Le projet était de mélanger une enquête policière avec la vie ordinaire de plusieurs personnages », raconte David Lynch. « On avait dessiné un plan de la ville. On savait où tout était situé, ce qui nous a aidé à déterminer l’atmosphère générale et ce qu’il pouvait s’y passer. Je crois qu’il est difficile de dire ce qui a fait de Twin Peaks, Twin Peaks. Je ne crois pas que nous ayons su nous-mêmes ce que c’était ! En tout cas la chaîne ABC a accepté de produire le pilote » (1). Tourné à Snoqualmie, dans l’État de Washington, et baptisé « Qui a tué Laura Palmer ? », ce premier épisode donne tout de suite le ton.

En 1989, un bûcheron découvre un cadavre nu enveloppé dans du plastique sur la rive d’une rivière à l’extérieur de la ville de Twin Peaks. Lorsque le shérif Harry S. Truman (Michael Ontkean), ses adjoints et le médecin Will Hayward (Warren Frost) arrivent, le corps est identifié comme étant celui de Laura Palmer. L’émotion qui saisit la population locale est alors immense. Comment cette adorable lycéenne, reine du bal de fin d’année et fille modèle, a-t-elle pu finir comme ça ? Qui est coupable d’un tel crime ? Une deuxième jeune fille, Ronette Pulaski (Phoebe Augustine), est bientôt découverte grièvement blessée et désorientée juste de l’autre côté de la frontière de l’État. Face à une telle situation, le FBI décide de dépêcher sur place l’agent spécial Dale Cooper (Kyle MacLachlan). Cet homme aux méthodes peu orthodoxes examine le corps de Laura et découvre une minuscule lettre dactylographiée, « R », insérée sous l’ongle de la jeune fille. Cooper informe alors les habitants que la mort de Laura correspond à la signature d’un tueur qui a assassiné une autre fille dans le sud-ouest de l’État de Washington l’année précédente, et que plusieurs preuves indiquent que le tueur vit à Twin Peaks…

Qui a tué Laura Palmer ?

Diffusée une première fois en France sous le titre de Mystères à Twin Peaks avant d’être rebaptisée sous son label international Twin Peaks, cette série insaisissable reste aujourd’hui encore une énigme. Sa capacité à mixer en un tout cohérent les codes du soap opera, du feuilleton policier et de la série d’épouvante tout en y injectant une bonne dose d’humour et de surréalisme continue à nous surprendre par la sublime alchimie de ses ingrédients disparates, alchimie que personne, y compris Lynch et Frost, ne parvint à reproduire par la suite. Pour donner corps à leur récit excentrique, Lynch et Frost s’offrent un casting de premier ordre. Car Twin Peaks est avant tout une œuvre chorale, dominée par un Kyle MacLachlan qui, après s’être frotté à Lynch dans Dune et Blue Velvet, trouve là le meilleur rôle de sa carrière. Cet agent du FBI jovial qui se fie autant à ses rêves et à ses intuitions qu’aux preuves qu’il récolte, sorte d’inspecteur Columbo new age qui s’enthousiasme avec excès pour une tarte aux cerises ou un café tout en résolvant le plus étrange des crimes, est depuis entré dans la légende. Le surnaturel s’invite très tôt dans la série, au fil de séquences d’épouvante redoutablement efficaces (ah, les fameux surgissements du terrifiant Bob !) et de scènes oniriques récurrentes situées dans une chambre rouge où Cooper tente de glaner de précieux indices. Ce chef d’œuvre télévisuel en deux saisons, dont l’atmosphère repose beaucoup sur la langoureuse musique d’Angelo Badalamenti, sera suivi d’un long-métrage en 1992, Twin Peaks : Fire Walks With Me, puis d’une troisième saison tardive en 2017. Lynch y tente – un peu en vain – de retrouver la magie de cette série somptueuse, effrayante, fascinante, drôle, triste et déstabilisante.

 

(1) Propos extraits du livre « David Lynch, entretiens avec Chris Rodley », 1997

 

© Gilles Penso


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