RENDEZ MOI MA PEAU (1980)

Derrière ses allures de comédie franchouillarde aux gags potaches, ce conte moderne abonde en salves anti-machistes et anticléricales

RENDEZ-MOI MA PEAU

1980 – FRANCE

Réalisé par Patrick Schulmann

Avec Bee Michelin, Erik Colin, Chantal Neuwirth, Jean-Luc Bideau, Danièle Gueble, Alain Flick, Mario d’Alba, Myriam Mézières

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Patrick Schulmann a toujours été attiré par l’humour au-dessous de la ceinture mâtiné de satire sociale. Cet étrange cocktail avait fait mouche avec Et la Tendresse ?… Bordel !, gros succès public lors de sa sortie en 1979. L’année suivante, le réalisateur décida d’ajouter au mélange un nouvel élément : le fantastique. Rendez-Moi Ma Peau nous fait donc découvrir Zora (Chantal Neuwirth), une sorcière qui mène une vie pépère dans son petit appartement et jette des sorts pour l’aider dans ses tâches ménagères. Mais le fait est qu’elle perd un peu ses pouvoirs. Seul le grand maître Krishmoon (Jean-Luc Bideau) semble être en mesure de l’aider à « recharger » son énergie. Zora prend la route afin de retrouver sa trace. Mais au milieu d’un carrefour, elle manque d’emboutir deux voitures : celle de Jean-Pierre (Erik Colin), un réparateur de téléviseurs, et de Marie (Bee Michelin), une jeune bourgeoise. Contrariée, notre sorcière inverse les corps de ce couple qui ne se connaît pas (via un trucage cartoonesque en rotoscopie) puis file à l’anglaise. Les deux malheureux ont conservé leur voix et leur esprit, mais tout le reste a changé. « Je ne peux pas vous laisser partir avec mon corps, je ne vous connais même pas », s’exclame Marie. « Je vous laisse le mien en garantie » répond Jean-Pierre.

Au-delà de ce postulat absurde qui génère des quiproquos et des gags à répétition (certains efficaces, d’autres très anecdotiques), Rendez-Moi Ma Peau permet à Schulmann de s’interroger sur la condition humaine. Jusqu’à quel point est-on soi-même ? Notre identité est-elle définie par notre corps ou notre esprit ? Derrière la farce se camoufle donc une vraie dimension philosophique, avec en prime une bonne claque à quelques préjugés machistes. Comme lorsque le patron de Jean-Pierre, découvrant que son employé a désormais un corps féminin, s’inquiète des conséquences : « je ne peux tout de même pas payer une femme le même prix qu’un homme ! » L’autre cible du cinéaste est le monde des sciences occultes, tournées ici en dérision avec une bonne humeur manifeste. Car les anciens collègues de Zora sont tous devenus voyants. L’une d’elle lit dans les lignes des fesses, un autre dans le rire de ses patients, un troisième est carrément devenu prêtre pour arrêter de travailler dans la clandestinité (« j’ai choisi la superstition officielle «  argue-t-il). 

« La magie a foutu le camp ! »

Krishmoon, pour sa part, dirige une secte très lucrative sur une île tropicale, fabriquant en quantité industrielle des talismans, des grigris et des porte-bonheur. Quand on lui demande pourquoi il a fui l’Occident, le gourou se laisse aller à la nostalgie : « comment voulez-vous que les ondes magiques, le magnétisme et les esprits se fraient un chemin au milieu des ondes radios, des satellites, des télés et du béton ? La magie a foutu le camp ! » Dommage que le potentiel d’un tel scénario soit gâché par une mise en scène aussi conventionnelle et des comédiens si peu dirigés (avec une mention spéciale pour les consternants détectives Shoms et Datson !). Quant à la chute du film, au cours de laquelle un alien atterrit sur le plancher des vaches, elle utilise des trucages tellement improbables qu’elle ferait presque passer Le Gendarme et les Extra-Terrestres pour un épisode de Star Wars !

 

© Gilles Penso

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