CHAPPIE (2015)

Le réalisateur de District 9 opère le grand écart entre Robocop et Short Circuit et accouche d'un petit chef d'œuvre de science-fiction urbaine

CHAPPIE

2015 – USA / MEXIQUE

Réalisé par Neil Blomkamp

Avec Sharlto Copley, Dev Patel, Yolandi Visser, Watkin Tudor Jones, Hugh Jackman, Sigourney Weaver

THEMA ROBOTS

De prime abord, Chappie ressemble à un mixage étrange entre Robocop et Short Circuit. A la satire futuriste de Paul Verhoeven, il emprunte en effet l’idée d’une société ultra-violente dans laquelle le gouvernement décide de supprimer progressivement les policiers humains pour les remplacer par des androïdes armés et indestructibles. A la comédie antimilitariste de John Badham, il reprend le motif du robot guerrier soudain doté de conscience qui abandonne ses fonctions premières de soldat mécanique pour s’adoucir au contact des êtres humains. Le cynisme dévastateur de Robocop et les bons sentiments de Short Circuit n’avaient à priori aucune chance de faire bon ménage, et c’est à un véritable travail d’alchimiste que se livre Neil Blomkamp pour pouvoir harmoniser deux sources d’inspiration aussi discordantes. C’est justement cette démarche qui a divisé l’opinion à propos du film. Trop violent pour les partisans d’un conte optimiste narrant l’éveil de la conscience d’un robot attachant, trop mièvre aux yeux des amateurs de blockbusters futuristes spectaculaires, Chappie n’est pas parvenu à trouver son public lors de sa sortie en salles. C’est d’autant plus dommage que le troisième long-métrage de Blomkamp possède un indéniable supplément d’âme, une singularité et une fraîcheur qui le rendent particulièrement attachant.

Comme District 9Chappie est la version longue d’un court-métrage que le cinéaste avait réalisé au début des années 2000, et son style inimitable est perceptible d’un bout à l’autre du film, transcendant ses influences premières (auxquelles on peut ajouter Applessed pour le look du robot) en s’appuyant sur un casting de première ordre. La présence d’Hugh Jackman et Sigourney Weaver peut certes être appréhendée comme un clin d’œil aux amateurs de science-fiction, mais les comédiens sont ici à mille lieues des sagas Alien et X-Men qui les ont rendus respectivement célèbres pour camper deux personnalités fortes dont chaque décision aura une répercussion déterminante sur l’intrigue. Mais c’est surtout l’interprétation à fleur de peau de Dev Patel (transfuge de Slumdog Millionaire et de la série Skins) et du duo Yolandi Visser & Watkin Tudor Jones (leaders du groupe sud-africain Die Antwoord) qui emporte l’adhésion, crédibilisant ce récit un peu fou avec un naturel désarmant.

La conscience peut-elle survivre au corps ?

Le robot lui-même est le fruit d’une prouesse technique incroyable, combinée avec le jeu du comédien Sharlto Copley, dont la pantomime captée en « performance capture » suscite une empathie immédiate. Comment ne pas l’aimer ? Et pourtant, ce guerrier en titane n’est pas « mignon » au sens strict du terme, ses expressions corporelles – son âme ? – transcendant une enveloppe physique pas très avenante. Or là réside l’essence même du scénario de Chappie, comme le confirme un dénouement audacieux. La conscience peut-elle survivre au corps ? Est-elle le seul apanage de l’être humain ? Emouvant, drôle, poétique, brutal, spectaculaire (l’intervention du robot géant d’Hugh Jackman, croisement entre l’ED-209 de Robocop et les géants métalliques de Robot Jox est franchement impressionnante), Chappie est un film aux multiples facettes qui se bonifie à chaque visionnage.

 

© Gilles Penso

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