DISTRICT 9 (2009)

Et si des migrants extra-terrestres s’échouaient sur notre planète sans autre possibilité que d’y résider au sein de ghettos insalubres ?

DISTRICT 9

 

2009 – NOUVELLE ZELANDE / USA / AFRIQUE DU SUD

 

Réalisé par Neill Blomkamp

 

Avec Sharlto Copley, Jason Cope, Nathalie Boltt, Sylvaine Strike, Elizabeth Mkandawie, John Sumner, William Allen Young, Greg Melvill-Smith

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Tout est parti de l’idée de porter à l’écran l’univers développé dans la série de jeux vidéo « Halo ». Ce projet naît dans la tête du producteur Peter Jackson et du réalisateur Neill Blomkamp, jusqu’alors signataire de plusieurs courts-métrages et de films publicitaires. Mais le travail de préproduction finit par s’interrompre faute de financements. Les deux hommes ne réfrènent pas pour autant leur envie de travailler ensemble et transforment finalement leur adaptation de « Halo » en autre chose. Ce sera District 9. Plusieurs designs sont récupérés du projet abandonné, déclinés d’abord dans le court-métrage Alive in Joburg, que Blomkamp réalise en 2005, puis réexploités à plus grande échelle dans District 9, dont le metteur en scène co-écrit le scénario avec son épouse Terri Tatchell. Ce récit s’inspire de nombreux éléments socio-politiques réels survenus pendant l’apartheid, notamment la création du District 6 du Cap, un quartier décrété « zone réservée aux blancs » duquel furent expulsés de force 60 000 habitants. En toute logique, Blomkamp choisit de tourner son premier long-métrage en Afrique du Sud, non seulement à cause du passé historique du pays mais aussi parce qu’il y est né. S’il se laisse influencer par plusieurs classiques musclés des années 80 (Aliens, Terminator, Predator, Robocop), District 9 développe un univers très personnel qui fera date dans l’histoire du cinéma de science-fiction.

En tout début de métrage, nous apprenons qu’un gigantesque vaisseau spatial extraterrestre a débarqué sur terre en 1982 (ironiquement l’année de la sortie de E.T.) pour rester suspendu dans le ciel au-dessus de Johannesburg. Plus d’un million d’extraterrestres en très mauvaise santé y sont découverts et parqués par le gouvernement sud-africain dans un camp terrestre baptisé District 9. Au fil des ans, cette zone se mue en bidonville insalubre et dangereux. Le gouvernement décide alors d’expulser manu militari toute cette population alien dans un nouveau camp à l’extérieur de la ville. L’idée d’une cohabitation forcée et banalisée entre une minorité migrante extra-terrestre et des terriens n’est pas nouvelle. Elle avait notamment été traitée dans l’efficace Futur immédiat de Graham Baker. Mais l’originalité de District 9 repose sur son approche ultra-réaliste favorisée par une mise en forme très originale qui détourne les codes du « found footage ». Dans un premier temps, toutes les images du film sont des assemblages de faux reportages, documentaires, vidéos amateur, images d’actualité ou rushes de caméras de surveillance qui, une fois assemblés, donnent à cet ensemble composite un parfum de crédibilité étonnant. Le naturalisme des acteurs, les prises de vues accidentées et le soin extrême apporté aux effets visuels renforcent ce sentiment troublant.

Aliénation

Les aliens, volontairement hideux, sortes de crustacés bipèdes au comportement vaguement anthropoïde (que les humains surnomment « crevettes »), sont conçus par le biais de la motion capture grâce au savoir-faire des artistes de la compagnie Weta Digital. Ce sont d’incroyables réussites, qui s’intègrent avec un naturel désarmant dans les prises de vues réelles. La grande force du film réside aussi dans son traitement plausible de cette situation complexe de flux migratoires incontrôlables, de ghettoïsation dans des taudis insalubres puis d’expulsions à main armée. Toutes ces images, bien que drapées d’une couche de science-fiction, sont terriblement familières. En s’appuyant sur ce terreau, le film peut progressivement intégrer un langage cinématographique de fiction pure et délaisser peu à peu les codes du « found footage » pour faire évoluer son intrigue vers une direction totalement inattendue. L’acteur Sharlto Copley livre ici une prestation étonnante, dans un registre complexe en perpétuelle évolution – ou plutôt en « mutation », puisqu’une métamorphose héritée de La Mouche finit par s’opérer. Car ici, la notion de tolérance inter-espèces est poussée plus loin que dans Futur immédiat ou Enemy Mine. Pour pacifier avec l’étranger, il ne suffit pas de le comprendre mais de littéralement devenir comme lui. La misanthropie apparente de District 9 nous renvoie une image bien peu reluisante de la nature humaine, même si ce pessimisme manifeste s’éclaire d’une ultime image désespérée, certes, mais très poétique…

 

© Gilles Penso


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