FRISSONS (1974)

Le premier opus d'une série de longs-métrages que David Cronenberg consacrera à l'horreur organique

SHIVERS / THE PARASITE MURDERS

1974 – CANADA

Réalisé par David Cronenberg

Avec Paul Hampton, Joe Silver, Lynn Lowry, Allan Kolman, Susan Petrie, Barbara Steele, Ronald Mlodzik, Barry Baldaro

THEMA MÉDECINE EN FOLIE I MUTATIONS 

Ce premier film commercial de David Cronenberg contient en germe (c’est le cas de le dire) toutes ses obsessions, en particulier une angoisse viscérale liée à la médecine et à la chirurgie. Passionné par le corps humain et ses mutations, le cinéaste donnera plus tard le nom d’ « horreur organique » (ou « body horror ») à ce sous-genre de l’épouvante qu’il n’a jamais cessé de décliner par la suite. Le prologue de Frissons marque d’emblée un contraste. D’un côté une voix off rassurante nous décrit les bienfaits d’une toute nouvelle résidence située sur l’île Saint Laurent, havre de paix et de tranquillité. De l’autre un homme fou furieux agresse violemment une jeune fille, la tue, la dénude et lui ouvre le ventre, puis s’égorge ! L’assassin était un scientifique de renom, le docteur Carl Hobbs, à l’œuvre sur la création de parasites aux vertus thérapeutiques, capables de remplacer des organes défectueux. Il introduisit expérimentalement l’un de ces parasites dans le corps de sa victime avant de comprendre les conséquences de son acte et de la tuer. Mais auparavant, la jeune femme a fréquenté de nombreux hommes dans la résidence. Or le virus se manifeste par des monstres parasites qui se reproduisent très vite, rampent sous l’épiderme de leurs hôtes involontaires et sortent de leur bouche pour se propager. 

Les habitants de l’île, contaminés, sont alors poussés à commettre des actes de violence et des agressions sexuelles. C’est l’occasion pour le maquilleur Joe Blasco d’inventer les « bladders », ces fameux effets spéciaux à base de poches gonflables qui allaient révolutionner les maquillages spéciaux par la suite et que notamment Rick Baker et Rob Bottin allaient reprendre à leur compte. Transfuge du cinéma d’épouvante des années soixante, Barbara Steele incarne Betts, l’une des résidentes de l’île Saint Laurent. Cronenberg nous la présente d’emblée comme une femme forte, indépendante et sûre d’elle. Elle semble passer ses journées dans son appartement, en peignoir, à siroter de l’alcool en aguichant Janine (Susan Petrie), l’une de ses voisines, suscitant entre elles une atmosphère ambigüe. Un jour, alors qu’elle prend son bain, un des parasites entre dans sa baignoire, glisse entre les jambes et pénètre en elle. Désormais contaminée, Betts fait l’amour avec Janine et propage l’infection. 

L'expérience interdite

Beaucoup de visions dérangeantes ponctuent Frissonscomme ces parasites surgissant des bouches des contaminés, ces viols en série dans l’immeuble, ces enfants tenus en laisse et aboyant comme des chiens, ce vieil homme qui embrasse sa propre fille… « Même lorsque je traite de sujets universels comme la violence ou la sexualité, je n’ai jamais la prétention de véhiculer un quelconque message », avoue le réalisateur. « Si c’était le cas, cela signifierait que j’ai la réponse aux questions que je soulève, et que je vais donner des conseils aux spectateurs. Or réaliser des films, pour moi, c’est plutôt le reflet d’une discussion que j’ai avec moi-même. » (1) Cronenberg nous offre des visions dignes de l’apocalypse telle que l’imagine la Bible, et un final nihiliste évoquant tour à tour La Nuit des morts-vivantsJe suis une légende et L’Invasion des profanateurs de sépultures.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en octobre 2005.

© Gilles Penso

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