MARTIN (1977)

Loin du gothisme habituel, George Romero propose une vision moderne, réaliste et clinique du vampirisme

MARTIN

1977 – USA

Réalisé par George A. Romero

Avec John Amplas, Lincoln Maazel, Tom Savini, Christine Forrest, Elyane Nadeau, Sara Venable, Francine Middleton

THEMA VAMPIRES

Relecture moderne et surprenante du thème du vampirisme, Martin est un film qui a toujours particulièrement tenu à cœur à George Romero. Ici, l’addiction au sang est traitée comme une pathologie liée à des complexes sexuels. Ainsi Martin (l’incroyable John Amplas, dans son premier rôle à l’écran), un jeune homme complexé et inhibé, ne peut pas vivre sans une ration régulière de sang, qu’il prélève méthodiquement sur des victimes féminines au gré de ses rencontres. Dès le prologue, le ton est donné : le film nous montre un meurtre/viol sans concession dans le compartiment d’un train. Martin anesthésie sa victime à l’aide d’une seringue, la dénude, simule l’acte sexuel avec elle (sans dépasser ce stade), puis ouvre le bras de la malheureuse avec une lame de rasoir pour se repaitre de son sang. La scène met d’autant plus mal à l’aise qu’elle est traitée avec un réalisme cru. 

Ce vampirisme d’un nouveau genre ne serait-il donc qu’une sorte de toxicomanie expurgée de tout élément surnaturel ? Nous serions tentés de le croire. Mais lorsque Martin vient rendre visite à son oncle Cuda (Lincoln Maazel), le folklore traditionnel est convoqué. De l’ail pend sur les portes de la maison, le vieil oncle parle avec un accent d’Europe de l’est, traite le jeune homme de Nosferatu et s’arme d’un crucifix. Certes, aucun des accessoires habituels n’a d’effet sur Martin (ni la croix, ni l’ail, ni les rayons du soleil), mais il s’agit bel et bien d’un vampire, quatre fois plus âgé qu’il n’y paraît. C’est ce que nous confirment des flash-backs en noir et blanc s’intercalant régulièrement dans la narration jusqu’à la contaminer. On y découvre un Martin plus jeune mais avec les mêmes traits, dans une époque plus ancienne, pourchassé par les villageois à cause des meurtres qu’il a commis. Baignées dans une ambiance étrange à mi chemin entre Terence Fisher (Le Cauchemar de Dracula), Mario Bava (Le Masque du Démon), Herk Harvey (Carnival of Souls) et Francis Coppola (celui de Dementia 13), ces séquences furtives rappellent les expérimentations de montage auxquelles s’essayait Romero sur There’s Always Vanilla, la comédie romantique qu’il réalisa après La Nuit des Morts-Vivants. Il y jouait déjà avec l’altération du temps au sein de sa narration pour casser volontairement sa linéarité. 

Le film préféré de Romero

« Martin demeure mon film préféré », avoue le cinéaste. « C’était un projet très personnel. L’idée de ce film m’est venue suite à un cauchemar. Il a été produit par une toute petite compagnie pour un budget minuscule, et le résultat est très proche de ce que j’avais en tête en l’écrivant. Comme il a été réalisé entre amis, dans une atmosphère très conviviale, je n’ai pas vraiment de recul. Je l’appréhende moins comme un film que comme une expérience personnelle. » (1) Martin est en effet une affaire de famille. Romero (alors imberbe) y joue lui-même un prêtre, son fidèle complice Michael Gornick en signe la photographie, son ami Tom Savini crée les maquillages spéciaux et interprète (sans ses célèbres moustaches) le petit ami de la cousine de Martin. Quant à cette dernière, elle est incarnée par Christine Forest, qui deviendra l’épouse du réalisateur et jouera dans six autres de ses films.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2005

 

© Gilles Penso

 

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