HALLOWEEN (2018)

Ne sachant plus sur quel pied danser, la saga Halloween tente de se réinventer en passant outre les séquelles et remakes précédents

HALLOWEEN

2018 – USA

Réalisé par David Gordon Green

Avec Jamie Lee Curtis, Judy Greer, Andy Matichak, Will Patton, Virginia Gardner, Haluk Bilginer

THEMA TUEURS I SAGA HALLOWEEN

Soyons honnêtes, la franchise Halloween s’apparente à un joyeux capharnaüm en 2018 : après un premier épisode entré dans l’Histoire à la grande surprise de son auteur de génie, cinq suites mercantiles à qualité variable, une célébration opportuniste des vingt ans miraculeusement menée à bien par un Steve Miner chevronné, une résurrection en forme de real TV dont on se serait bien passé, et deux opus malmenés par les Weinstein mais animés par la rage de Rob Zombie, ç’aurait été mentir que d’afficher un quelconque enthousiasme à la perspective d’un onzième (!) retour du tueur au masque blanc. Mi-reboot, mi-suite négationniste, Halloween 2018 avait plutôt intérêt, pour justifier sa seule existence, à proposer, sinon quelque chose de surprenant, au moins une quelconque évolution. Malheureusement, David Gordon Green et son comparse comique Danny McBride plongent tête baissée dans tous les écueils redoutés : fan service mal géré (les clins d’oeil au premier opus tombent tous à plat ou dans la parodie à la Scary Movie), mépris affiché des aînés (la saga est balayée en une réplique assassine alors qu’elle est ici allègrement pillée, un comble), script aux complications idiotes (les motivations ineptes des journalistes, la façon dont Myers récupère son masque, les interactions téléphonées entre personnages), structure erratique (le tueur apparaît puis disparaît un peu partout sans cohérence aucune, loin de l’utilisation maniaque de la topographie par Carpenter), humour malvenu (cette discussion à la Tarantino dans la voiture qui tombe comme un cheveu sur la soupe), caractérisation maladroite voire ridicule (le revirement fantaisiste du docteur Maboul), et hésitation permanente entre un gore frontal gratuit et d’inoffensives mises à mort hors-champ. 

La figure mythique de The Shape subit les mêmes affronts : présenté au départ comme un vieux monsieur dans un asile de pacotille à la American Horror Story, Michael Myers ne fait tristement plus peur, bouffon condamné à se cacher éternellement dans les placards et à se prendre des déculottées cyniques à la Scream (sans compter qu’il laisse inexplicablement en vie un bébé que les auteurs ont cru bon de mettre sur sa route). Seule à tirer son épingle du jeu, Jamie Lee Curtis subit in fine l’indigence d’écriture générale, la piste de son éventuelle folie – aspect qui aurait pu insuffler un mordant salvateur – étant à peine effleurée avant d’être abandonnée au profit d’une inversion des rôles chasseur/proie plus convenue (fausse bonne idée servant juste à donner des coups de coudes au spectateur à travers des plans-signatures repris du Carpenter, ce dernier ayant de plus demandé à enlever un ultime hommage balourd prévu à son encontre) et d’une timide thématique de la transmission du Mal gauchement exploitée jusque dans un plan final faisant inutilement du pied à Massacre à la Tronçonneuse

Fausses bonnes idées et maladresses en série

On en vient à se demander à l’issue de ce douloureux visionnage pourquoi la tolérance que l’on appliquait aux séquelles précédentes ne semble plus dorénavant avoir droit de cité : outre une légitime fatigue, la réponse réside certainement dans le fait que ces séries B d’époque, certes techniquement moins léchées et à but tout autant lucratif, assumaient une ligne directrice claire et n’ambitionnaient pas plus que leur simple statut de films d’exploitation, réalisées par d’honnêtes artisans respectueux, là où le duo Gordon Green/McBride semble peiner à trouver le juste milieu entre orgueil inconscient et peu aventureuse humilité. Pas assez décomplexé pour égaler l’épisode deux de Rosenthal ou l’actioner fun de Dwight H. Little, pas assez généreux pour détrôner le définitif Halloween 20 ans après, pas assez original pour concurrencer Halloween 3 : le Sang du Sorcier (qui, réussissait, lui, à faire subtilement table rase du passé), ni assez fouillé psychologiquement et visuellement pour faire oublier les saillies viscérales de Rob Zombie (que beaucoup regretteront dorénavant d’avoir critiqué et qui se retrouve ici plagié sans vergogne), cet Halloween quadra ne fait que rappeler le manque d’imagination et d’audace d’un système exsangue et déférent jusqu’à la manipulation. Autant dire que l’on attend l’inévitable douzième outrage avec une impatience toute mesurée…
 
© Julien Cassarino