SCREAM (1996)

Wes Craven redonne ses lettres de noblesse au slasher en lui adjoignant une bonne dose de second degré et de mise en abyme

SCREAM

1996 – USA

Réalisé par Wes Craven

Avec Neve Campbell, David Arquette, Courteney Cox, Skeet Ulrich, Drew Barrymore, Matthew Lillard, Rose McGowan 

THEMA TUEURS SAGA SCREAM I WES CRAVEN

Avec Freddy sort de la Nuit, Wes Craven avait tenté une approche analytique du slasher, mais en tombant dans les lieux communs qu’il dénonçait, il finissait par ruiner un peu sa démonstration. Quelques années plus tard, il prolonge pourtant cette démarche avec Scream, et force est de reconnaître que cette fois-ci, la réussite est totale. « Dans Scream, on ne met plus en scène les gens qui font les films d’horreur, comme pour Freddy sort de la Nuit, mais ceux qui les regardent », nous explique Wes Craven. « Les personnages sont donc des fans de cinéma d’épouvante. Les spectateurs se trouvent du même coup en présence de héros qui leur ressemblent, ont les mêmes références et les mêmes réactions qu’eux. » (1) Tout de noir vêtu, masqué d’un faciès blanc et grimaçant, un serial killer fan de films d’horreur terrorise la petite ville tranquille d’Hillsboro, assassinant sauvagement Casey Becker et son petit ami, avant de s’en prendre à l’étudiante Sidney Prescott et à ses amis…

Le miracle de Scream tient au fait que le film démonte un à un tous les mécanismes qui régissent les HalloweenVendredi 13 et consorts tout en obéissant lui-même aux mêmes règles, piégeant ainsi un spectateur consentant, prévenu et conditionné. A ce titre, une séquence est exemplaire : Sidney se moque ouvertement des héroïnes de films d’horreur qui, au lieu de fuir les tueurs en quittant leur maison, courent stupidement se réfugier au premier étage. Or quelques minutes plus tard, c’est exactement ce qu’elle est contrainte de faire ! Le choix de l’aspect physique du tueur participe lui aussi d’une volonté de démarcation et d’approfondissement. Car à la culture populaire d’Halloween et de Vendredi 13 (le masque de carnaval ou de hockey), Craven oppose une référence expressionniste : le tableau « Le Cri » d’Edward Munch, auquel le film doit d’ailleurs son titre. « Voilà ce qui arrive quand un ancien professeur de fac réalise des films d’horreur ! » (2) plaisante Craven, avant de reconnaître que cette référence est en partie inconsciente, dans la mesure où le masque fut trouvé par hasard chez un collectionneur pendant des repérages. Le minutieux scénario de Williamson multiplie à loisir les fausses pistes jusqu’à une révélation finale pour le moins surprenante.

Un casting issu du petit écran

Outre Drew Barrymore, héroïne de la séquence d’introduction qui demeure l’un des moments les plus forts du film, Scream met en scène des comédiens issus de la sitcom et de la série familiale, notamment Neve Campbell (La Vie à cinq) et Courteney Cox (Friends), à contre-courant et à contre-emploi de leur popularité télévisée. La seule chose un tantinet curieuse, dans Scream, est le sentiment que Wes Craven crache un peu dans la soupe, comme s’il ne croyait plus vraiment au genre qui l’a pourtant nourri tout au long de sa carrière. D’autant que son film suivant, La Musique de mon cœur, marquera une brutale rupture en suivant les voies du mélodrame social réaliste. Mais Craven reviendra vite à ses premières amours, et sans doute faut-il surtout voir dans Scream une démarche introspective, mêlant intimement la dérision et le profond respect du genre. D’ailleurs le tueur au masque blanc a subitement relancé la vogue du slasher, dont la popularité s’était progressivement étiolée au fil des ans.

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en octobre 2005

© Gilles Penso

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