FANTOMAS (1964)

Louis de Funès et Jean Marais partagent la vedette de cette adaptation rocambolesque, burlesque et science-fictionnelle des romans de Souvestre et Allain

FANTOMAS

 

1964 – France / ITALIE

 

Réalisé par André Hunebelle

 

Avec Louis de Funès, Jean Marais, Mylène Demongeot, Jacques Dynam, Robert Dalban

 

THEMA SUPER-VILAINS

En revoyant ce Fantomas délicieusement sixties, on s’étonne encore du curieux mélange quasi-surréaliste qu’il représente. Car il fallait oser marier les romans à mystère de Pierre Souvestre et Marcel Allain, les facéties grimaçantes de Louis de Funès, alors au début de son vedettariat malgré une filmographie déjà très longue, et l’espionnage science-fictionnel à la James Bond, assuré par un Jean Marais imperturbablement sérieux dans un double rôle qui nous ramène à sa performance bicéphale de La Belle et la Bête. Pour bien marquer ces deux facettes, c’est d’ailleurs le comédien Raymond Pellegrin qui lui prête sa voix lorsqu’il arbore le masque bleu de Fantomas. A vrai dire, c’est la personnalité même des deux acteurs vedette qui orienta la tonalité du film. De Funès aurait dû logiquement garder sa place de faire-valoir comique, comme à l’époque où il partageait l’écran avec Marais dans les films de cape et d’épée valorisant la fougue de la star du Bossu. Mais le réalisateur André Hunebelle, qui avait compris très tôt son immense potentiel en lui offrant son premier grand rôle dans Taxi, Roulotte et Corrida (en 1958), le laisse occuper ici le devant de la scène et voler la vedette de Marais. D’où certaines tensions entre les deux têtes d’affiche, l’un s’apprêtant à devenir l’acteur le plus populaires du cinéma français, l’autre étant déjà sur la pente descendante.

Au début du film, Fantomas (Marais) se fait passer pour le richissime Lord Shelton et achète d’inestimables bijoux avec un chèque truqué. Peu impressionné, le commissaire Juve (De Funès) fait le malin devant à la télévision en clamant : « Tu peux trembler, Fantomas. Tu peux bien avoir cent visages, tu n’as qu’une seule tête ! » De son côté, le journaliste Fandor (Marais toujours), avec la complicité de sa petite amie photographe (Mylène Demongeot), cherche le scoop qui le rendra célèbre. Il se grime alors en Fantomas (tout de noir vêtu, proche des serials de Louis Feuillade) et pose fièrement dans un cimetière. Il monte ainsi un canular et les ventes du journal « Le Point du Jour » grimpent d’un seul coup. Mais le vrai Fantomas ne l’entend pas de cette oreille et le kidnappe. Son superbe repaire, mi-gothique mi-baroque, s’orne d’arcades, de colonnes, de lustres, de chandeliers, d’une peau de zèbre, d’un miroir à dorures, de murs coulissants et d’un grand orgue digne du Fantôme de l’Opéra… « Je tue pas mal, bien sûr, mais toujours avec le sourire », affirme le super-vilain derrière son masque inoubliable conçu par Gérard Cogan. « Un procédé de mon invention me permet de reconstituer à la perfection la peau humaine », poursuit-il, épaulé par la mystérieuse Lady Beltham (Marie-Hélène Arnaud). « J’ai réalisé la plupart de mes forfaits avec le visage de mes propres victimes ». Et ce disant, il se grime successivement en Fandor puis en Juve. D’où une hilarante séquence de portrait-robot où tous les témoins décrivent le visage de De Funès.

Un festival de cascades vertigineuses

Même si, avec l’impitoyable recul des années, le film a pris un petit coup de vieux, la mayonnaise prend toujours. Malgré sa cinquantaine passée, Marais est ici en grande forme. La petite histoire dit qu’il accepta le rôle après que celui de l’agent secret OSS 117 lui soit passé sous le nez. Il se lance dans des bagarres échevelées, court sur les toits de Paris, s’accroche aux grues de chantier et aux hélicoptères, cavale sur les trains, comme le fera Jean-Paul Belmondo quelque dix ans plus tard. L’une des scènes les plus spectaculaires est une cascade automobile dans laquelle Mylène Demongeot et lui, dans une voiture sans freins, dévalent une route de montagne tortueuse au milieu des autres automobiles, jusqu’à ce que leur véhicule finisse à peu de choses près comme la 2CV de Bourvil dans Le Corniaud. S’ensuit une poursuite mouvementée en moto, en train, en bateau et enfin en sous-marin. Le tout aux accents d’une partition de Michel Magne qui rend un hommage délicieusement jazzy aux musiques de la saga James Bond. Quant à De Funès, il s’en donne à cœur joie, nous gratifiant d’un véritable best of de mimiques et de pitreries, multipliant les grimages intempestifs et pavant la voie qui le mènera au vedettariat.

 

© Gilles Penso

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