ANNABELLE (2014)

La poupée maléfique de The Conjuring vient terrifier un jeune couple des années 60 qui attend un heureux événement

ANNABELLE

 

2014 – USA

 

Réalisé par John R. Leonetti

 

Avec Annabelle Wallis, Ward Horton, Tony Amendola, Alfre Woodard, Kerry O’Malley, Brian Howe, Eric Ladin, Ivar Brogger, Gabriel Bateman

 

THEMA JOUETS I DIABLE ET DÉMONS I SAGA CONJURING

Le succès de The Conjuring : les dossiers Warren annonçait le lancement d’une nouvelle franchise et la mise en production imminente d’un second chapitre. Mais avant la sortie de cette séquelle, la compagnie New Line décide d’initier un épisode intermédiaire, sorte de spin-off/prequel qui donne la vedette à un élément marquant mais furtif du film de James Wan : l’inquiétante poupée Annabelle. Si Wan reste présent au poste de producteur, il cède la réalisation à John R. Leonetti, son directeur de la photographie attitré (également signataire des images de Chucky 3, The Mask, Piranha 3D) dont les essais précédents en tant que metteur en scène s’étaient avérés assez anecdotiques (Mortal Kombat : Destruction finale, L’Effet papillon 2). Le scénario est confié à l’inégal Gary Dauberman, tout autant capable de relancer une saga en perte de vitesse (Destination finale 5) que d’écrire un remake poussif et maladroit (Freddy, les Griffes de la nuit). Avec une telle équipe à la tête d’Annabelle, tout était envisageable, le meilleur comme le pire. Le résultat se situe à mi-chemin, collectant de jolis moments d’épouvante mais disparaissant dans les limbes de l’oubli peu de temps après son visionnage.

Le texte d’introduction plante le décor : « Depuis les débuts de la civilisation, les poupées ont été aimées par les enfants, choyées par les collectionneurs et utilisées dans des rites religieux pour le bien et pour le mal. » Si les premières minutes d’Annabelle sont rigoureusement les mêmes que celles de The Conjuring (le témoignage des jeunes filles ayant hérité de l’inquiétante poupée), l’action rembobine ensuite pour nous présenter d’autres protagonistes. L’intrigue prend place à Santa Monica en 1969, où le médecin John Form (Ward Horton) offre à son épouse enceinte Mia (Annabelle Wallis) le cadeau de ses rêves : une poupée rare et ancienne qui vient compléter la collection siégeant déjà sur les étagères de la future chambre d’enfant. Mia est aux anges, ignorant que l’intrusion de cet objet dans sa vie s’apprête à la bouleverser à tout jamais. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, la poupée ne sera finalement qu’une figurante dans le film. Vecteur efficace d’angoisse (son sourire figé dans la porcelaine fait froid dans le dos), elle sert surtout le catalyseur aux manifestations démoniaques. Annabelle marche donc moins sur les traces des films habituels consacrés aux jouets diabolique (les sagas Chucky et Puppet Masters, Dolls, Trilogy of Terror) que sur celles de Rosemary’s Baby, qui demeure sa source principale d’inspiration. La référence est quasi-officiellement assumée à travers le choix des prénoms du couple vedette, Mia et John (clin d’œil à Mia Farrow et John Cassavetes). Presque tout dans le film nous ramène au classique de Roman Polanski : cette femme enceinte des années 60 qui se croit harcelée par des forces démoniaques mais que personne ne croit, un mari trop souvent absent qui attribue la paranoïa de son épouse à une fatigue nerveuse, un bel appartement américain qui devient peu à peu le siège d’angoisses indicibles… Et puis il y a cette autre allusion qui inscrit le film dans son contexte historique en évoquant le massacre perpétré par la « famille » de Charles Manson. Si l’intrusion brutale des membres d’une secte satanique qui souhaitent assassiner l’héroïne enceinte offre au film l’une de ses séquences les plus angoissantes, le parallèle avec le drame réel survenu dans la vie de Polanski est un peu discutable, pour ne pas dire douteux…

Le diable au corps

Il faut reconnaître à John R. Leonetti un incontestable savoir-faire dans la gestion efficace de l’espace, souvent exploité en plan-séquence et en plan large. L’insolite naît souvent d’altérations d’un lieu qui a été préalablement exposé dans toute sa latitude, ou d’intrusions imprévues dans le décor : une silhouette féminine, une enfant, une entité qui semble posséder les mêmes attributs physiques que le Diable de La Sorcellerie à travers les âges… Plusieurs séquences jouent à merveille avec les nerfs des spectateurs, comme celle des popcorns et de la machine à coudre (qui semble échappée d’un épisode de Destination finale) ou ce huis-clos stressant dans l’ascenseur (que James Wan aurait mis en scène lui-même). Au passage, plusieurs réminiscences La Quatrième dimension nous reviennent en mémoire, notamment la poupée vivante de « Living Doll » et les cris de la petite fille évaporée de « Little Girl Lost ». Annabelle remplit donc honnêtement son contrat, même s’il finit par céder en fin de métrage à des facilités qui amenuisent progressivement son impact, comme ce personnage de libraire bien pratique pour que le scénariste puisse nous expliquer le « mode d’emploi » du démon qui hante le film, ou ce final dramatiquement très faible. Le succès sera tout de même au rendez-vous, à la grande joie des producteurs de New Line prompts à poursuivre sans plus tarder l’exploitation de ce juteux filon.

 

© Gilles Penso

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