LA GRANDE MENACE (1978)

Lino Ventura et Richard Burton s’affrontent dans une enquête policière dont les répercussions prennent une tournure apocalyptique

THE MEDUSA TOUCH

 

1978 – GB

 

Réalisé par Jack Gold

 

Avec Lino Ventura, Richard Burton, Lee Remick, Harry Andrews, Marie-Christine Barrault, Michael Hordern, Gordon Jackson

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX CATASTROPHES

Le cinéma populaire des années 70 ayant connu de gros succès commerciaux dans les domaines du film catastrophe (avec La Tour Infernale et L’Aventure du Poséidon en tête de gondole), de l’épouvante à tendance apocalyptique (dans la mouvance de L’Exorciste et La Malédiction) et du récit policier de manière plus générale, les producteurs Sir Lew Grade, Elliot Kastner et Arnon Milchan décident de mélanger les trois genres dans l’espoir de toucher le jackpot. Ils s’appuient donc sur le roman « The Medusa Touch » de Peter Van Greenaway, qui possède exactement le potentiel requis, et confient l’adaptation à John Briley (futur scénariste de Gandhi et Cry Freedom pour Richard Attenborough). Pour la mise en scène, c’est le solide téléaste Jack Gold qui est sollicité. Ce dernier aurait souhaité offrir l’un des rôles principaux à Nicol Williamson, mais les producteurs préfèrent une tête d’affiche « bankable » et optent plutôt pour Richard Burton, héros l’année précédente de L’Exorciste II : L’Hérétique. Quant au policier qui doit lui faire face, il n’est plus britannique – comme dans le roman – mais français – pour des raisons de co-production. Le rôle échoit à ce bon vieux Lino Ventura, doublé par David de Keyser dans la version originale, et c’est paré de ce casting surprenant que se met en branle La Grande Menace.

L’intrigue s’amorce comme une enquête policière classique. Sous son traditionnel imperméable, Lino Ventura campe l’inspecteur Brunel, détaché à Londres par Scotland Yard le temps d’élucider le meurtre de l’écrivain John Morlar (Richard Burton) qui a été retrouvé chez lui le crâne défoncé. Alors qu’il collecte les premiers indices, Brunel découvre avec stupéfaction que Morlar n’est pas mort. Transporté d’urgence à l’hôpital, notre homme défie toutes les explications médicales. Car si son corps est plongé dans le coma, son cerveau semble agité par une activité intense. Brunel cherche une explication du côté du professeur Zonfeld (Lee Remick), la psychiatre de Morlar. Au fil de son témoignage et de celui d’autres personnes ayant côtoyé Morlar tout au long de sa vie, le portrait de la victime se dessine sous des atours étranges. Car l’écrivain était persuadé de pouvoir faire bouger des objets sans les toucher, de provoquer des catastrophes à distance, de faire mourir son entourage par la seule force de sa pensée. Le cartésien Brunel n’est pas du genre à accorder le moindre crédit à de telles élucubrations. Mais plusieurs faits troublants semblent abonder dans le sens de Morlar. Plus l’enquête avance, plus la frontière entre le normal et le paranormal s’étiole…

L’homme qui provoquait des catastrophes

La confrontation entre Lino Ventura et Richard Burton n’a lieu que virtuellement, dans la mesure où les deux hommes n’occupent pas l’écran dans le même espace temporel, si l’on excepte le corps inanimé de Morlar cloué sur son lit d’hôpital. Habile, la mise en scène de Jack Gold s’amuse à emboîter les époques, alternant des champs et des contrechamps situés dans deux périodes distinctes, démarrant un dialogue dans le présent pour le poursuivre dans le passé, construisant même un plans-séquence qui permet furtivement de remonter le temps. Ces astuces évitent à La Grande Menace de prendre des atours trop théâtraux, l’action étant circonscrite dans un nombre limité de lieux et les dialogues occupant souvent le devant de la scène. Gold doit aussi composer avec l’emploi du temps serré de Richard Burton, disponible uniquement trois semaines avant de partir sur le tournage des Oies sauvages. Dans son dernier tiers, La Grande Menace s’adonne tout de même au spectaculaire à travers deux séquences de catastrophes particulièrement impressionnantes, dont l’impact repose beaucoup sur les effets spéciaux du vétéran Brian Johnson. Lors de sa première sortie, La Grande Menace reçut un accueil assez glacial, n’attira guère les foules et fut même taxé de « plus mauvais film de l’année 1978 » par une critique exagérément acerbe. C’est pourtant une excellente fable surnaturelle qui ne cesse de se bonifier avec le temps et dont le dénouement abrupt fait toujours autant froid dans le dos.

 

© Gilles Penso

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