MANIAC (1980)

Joe Spinell incarne le plus pathétique et le plus terrifiant des tueurs psychopathes, sous la direction très inspirée de William Lustig

MANIAC

 

1980 – USA

 

Réalisé par William Lustig

 

Avec Joe Spinell, Caroline Munro, Gail Lawrence, Kelly Piper, Rita Montone, Tom Savini

 

THEMA TUEURS

« L’idée originale de Maniac vient d’un acteur qui s’appelle Frank Pach », raconte William Lustig. « Nous étions tous les deux en train de conduire dans les rues de New York. Il s’est retourné vers moi et m’a dit : “Est-ce que ce ne serait pas intéressant de faire un film qui serait comme Les Dents de la Mer, mais sur la terre ?“ Cette phrase a provoqué un déclic chez moi. » (1) Sur cette simple idée, Lustig écrit un synopsis qu’il confie à l’acteur Joe Spinell, selon lui l’interprète idéal de cet équivalent humain du requin de Steven Spielberg. L’acteur s’empare de cette trame, y ajoute une infinité de détails liés à la personnalité du tueur psychopathe qu’il s’apprête à incarner, et donne ainsi un corps et un esprit au « maniac » du titre. « Ce tueur a évolué », explique Lustig. « Ce n’était pas une sorte de Michael Myers ou de Jason Voorhees. Il avait une âme et de la chair. » (2) Et c’est justement parce qu’il est traité sous un jour simple, banal, trivial et réaliste que le « héros » de Maniac fait autant froid dans le dos. Ce n’est pas un croquemitaine masqué et invincible mais un homme terriblement ordinaire.

L’entame du film provoque immédiatement le malaise. Une respiration glauque occupe tout l’espace sonore, des mains gantées introduisent des pièces dans une paire de jumelles, un couple est étendu sur une plage au loin. Puis la caméra devient subjective, se déplaçant de manière accidentée, obligeant le spectateur à adopter un point de vue dérangeant. Et c’est le double meurtre : la fille est égorgée, le garçon est étranglé, le sang jaillit avec force… En à peine deux minutes de métrage, William Lustig donne le ton sans ambigüité, porté par une musique stressante de Jay Chattaway. Si le tueur est d’abord une simple machine à tuer, se résumant à une silhouette noire déshumanisée, son visage émerge de l’ombre l’instant d’après pour sangloter, le regard fou et perdu. Qu’il le veuille ou non, c’est à ce personnage que le spectateur va devoir s’attacher : Frank Zito, un criminel incapable de réfréner ses pulsions meurtrières. Ainsi, contrairement à la vague de slashers qui allait suivre le sillage de Halloween, les victimes potentielles ne sont pas les protagonistes du film mais de simples silhouettes. Le héros, c’est le tueur ! D’une certaine manière, nous revenons là aux fondamentaux édictés par Psychose. « Honnêtement, je pense que tous les films modernes qui s’intéressent aux agissements d’un tueur sont en filiation avec Psychose », confirme Lustig. « Le film d’Alfred Hitchcock a donné naissance à une infinité de longs-métrages. Les liens entre Maniac et Psychose sont donc manifestes et assumés. » (3)

L’horreur dans toute sa banalité

L’une des séquences les plus choquantes du film, le meurtre de la prostituée, puise son impact sur sa dédramatisation extrême. Zito y est maladroit, pataud, et cet assassinat n’en finit plus de traîner en longueur. Le tueur lui-même en est malade, vomissant puis pleurant avant de scalper la malheureuse en gros plan (grâce aux étonnants maquillages spéciaux de Tom Savini, engagé sur le film après que William Lustig ait pu admirer son travail sur Zombie). Maniac collecte ainsi les passages éprouvants, comme l’infirmière poursuivie dans le métro ou le couplé épié dans sa voiture. Si ce maniaque est un être profondément pathétique, le film refuse d’en dresser un portrait monolithique. De fait, sa personnalité est difficile à saisir. Collectionnant les mannequins en plastique sur lesquels il dépose les scalps de ses victimes, s’adressant en pleurant à sa défunte mère qui semble être à l’origine de ses traumatismes d’enfance et de sa psychopathie, il sait aussi être élégant, charmant, voire distingué, des facettes surprenantes qui apparaissent en seconde partie de métrage. Les faibles moyens à sa disposition poussent Lustig à utiliser une lumière naturelle et des décors réels, des choix qui renforcent la patine très réaliste du film. Mais au moment du climax, la banalité quotidienne bascule dans le cauchemar opératique et surréaliste, laissant le spectateur pantois et K.O. Et Maniac d’entrer au panthéon des classiques incontournables du cinéma d’horreur.

 

(1), (2) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2016

 

© Gilles Penso

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