INNOCENT BLOOD (1992)

John Landis transforme Anne Parillaud en redoutable vampire aux prises avec la mafia de Pittsburgh

INNOCENT BLOOD

 

1992 – USA

 

Réalisé par John Landis

 

Avec Anne Parillaud, David Proval, Rocco Sisto, Chazz Palminteri, Anthony LaPaglia, Robert Loggia, Tony Sirico

 

THEMA VAMPIRES

Dix ans après Le Loup-garou de Londres, John Landis mêle une fois de plus ses deux genres favoris : la comédie et le fantastique. Comme interprète principale, il opte pour Anne Parillaud, auréolée par le succès planétaire de Nikita. La comédienne nous offre donc une nouvelle prestation musclée sous les traits de Marie, un vampire urbain. Lorsqu’elle est en appétit, elle plante ses canines dans la gorge du premier mafioso à sa portée. Elle vit donc seule et ne sort que la nuit. Le policier Joe Gennaro (Anthony LaPaglia) est également un solitaire. Ayant dû rompre avec toutes ses relations pour infiltrer la plus puissante famille de la mafia de Pittsburgh, il n’a pu éviter d’être démasqué au bout de quelques mois, devenant l’ennemi n°1 du redoutable « capo » Sal Macelli, alias « le Squale » (Robert Loggia). Grillé aux yeux de ses supérieurs, il s’est vu retirer son enquête et vit dans la clandestinité. Son seul espoir est d’abattre Macelli, mais comment tromper la vigilance de celui-ci et l’approcher ? Seule Marie, déterminée et prête à tout, pourrait lui venir en aide…

Innocent Blood traite le vampirisme comme Le Loup-garou de Londres évoquait la lycanthropie : avec humour, désinvolture, recul, mais avec un paradoxal sérieux dans son traitement des scènes d’épouvante. John Landis note tout de même une nuance entre les deux approches. « Le Loup-Garou de Londres est un film qui avait été conçu pour faire peur, pour terrifier les spectateurs », explique-t-il. « Et l’humour y agissait comme un contrepoint, ce qui accentuait davantage les aspects effrayants de l’histoire. Le cas d’Innocent Blood est un peu différent. C’est un film de vampire, mais dans lequel l’humour est plus présent, plus entremêlé avec les éléments fantastiques. » (1) Après les métamorphoses douloureuses de Rick Baker, nous avons droit ici à des décompositions explosives et à d’étonnants scintillements oculaires conçus par Steve Johnson. Le scénario mêle les vampires (au comportement ici proche des zombies) à la mafia, en un film hybride probablement déroutant pour les amateurs respectifs du policier et du fantastique. Anne Parillaud elle-même aura du mal à comprendre dans quel style de film elle joue. « Pendant le tournage d’Innocent Blood, j’étais persuadée qu’il s’agissait d’un drame », explique-t-elle. « Le vampire, pour moi, est une figure totalement gothique, dramatique, noire, ténébreuse et romantique. Il véhicule le thème de l’immortalité, un fantasme auquel nous aspirons tous, et transporte en même temps des problèmes très humains sous l’angle de la métaphore. Ces concepts sont très forts à mes yeux, et je pensais que John Landis allait les traiter frontalement, d’autant qu’Innocent Blood est aussi une histoire d’amour. Or quand j’ai vu le film terminé, je me suis rendue compte qu’il en avait fait une comédie burlesque. J’ai eu un énorme choc et j’ai vraiment vécu ça comme une trahison. J’en ai voulu à John Landis au point de ne pas participer à la promotion du film » (2)

Réévalué à la hausse

Mais comment en vouloir à l’auteur des Blues Brothers, qui a toujours aimé mélanger les genres, et ce dès son premier long-métrage Schlock ? D’où les abondantes notes d’humour que distillent les dialogues d’Innocent Blood, comme lorsque Marie, se repaissant de mafieux, déclare : « J’étais triste, j’étais affamée, il était temps que je m’occupe de moi. Alors je me suis dit : “pourquoi pas de l’italien ?“ » Et comme Landis est un « movie brat », autrement dit un enfant bercé par les vieux films qu’il dévora devant son poste de télévision, il truffe son long-métrage d’extraits de classiques du genre (de L’Inconnu du Nord Express au Cauchemar de Dracula en passant par Le Fantôme de la rue Morgue, Le Monstre des temps perdus et l’incontournable Dracula de Tod Browning) et offre des seconds rôles à une flopée de guest-stars prestigieuses telles que Sam Raimi, Dario Argento, Frank Oz, Michael Ritchie, Tom Savini ou Forrest J. Ackerman. Avec le temps, Anne Parillaud révisera son jugement sur le film en comprenant enfin sa tonalité et sa portée. « Il a fallu que les années passent et que je me rende compte qu’Innocent Blood étaitdevenu un film culte », avoue-t-elle avec humilité. « J’ai réalisé à quel point les gens aimaient ce film. Dans les vidéoclubs, il était quasiment impossible de l’emprunter car il n’était jamais disponible. J’ai compris que j’étais passée à côté de quelque chose et que ma déception de l’époque m’avait un peu aveuglée. Parfois, un acteur n’a aucune objectivité pour juger un film dans lequel il joue, et c’est ce qui m’est arrivé. Le résultat était tellement différent de ce que je croyais avoir tourné que je n’ai pas été capable d’en apprécier ses qualités. » (3)

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 2011

(2) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2009

 

© Gilles Penso

 

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