LE CLANDESTIN (1987)

Un chat génétiquement modifié s’embarque sur le yacht luxueux d’un milliardaire mafieux et sème la terreur parmi les passagers…

UNINVITED

 

1987 – USA

 

Réalisé par Greydon Clark

 

Avec George Kennedy, Alex Cord, Toni Hudson, Rob Estes, Clu Gulager, Shari Shattuck, Clare Carey

 

THEMA MAMMIFÈRES

Greydon Clark est un prolifique cinéaste de genre habitué à composer avec des budgets ridicules sans pour autant réfréner ses ambitions. Si son film le plus réussi est probablement Terreur extra-terrestre, les amateurs de cinéma bis lui préfèrent souvent Le Clandestin pour son humour involontaire. L’idée de ce long-métrage impensable est née au milieu des années 80, alors que Clark est en train de tourner le western Final Justice. Dans le studio italien qu’il côtoie trône un grand bassin édifié par Dino de Laurentiis pour la simulation de séquences en mer. Pourquoi ne pas y tourner un film d’horreur qui se déroulerait à bord d’un bateau, avec un monstre attaquant tous les passagers ? Après avoir envisagé un temps de mettre en scène un rat mutant, le réalisateur penche finalement pour un chat, plus original et donc plus surprenant. Reste à dénicher le yacht qui accueillera sa petite équipe. Le bateau idéal étant introuvable en Italie, Clark est sur le point de renoncer, jusqu’à ce qu’il trouve la perle rare en Californie. Abandonnant l’idée de tourner dans un bassin, il loue donc la luxueuse embarcation pendant deux semaines pour 15 000 dollars et part tourner en mer. 75 000 autres dollars sont dépensés pour embaucher trois vétérans du petit écran dans les rôles principaux : George Kennedy (Le Virginien), Alex Cord (L’île fantastique) et Clu Gulager (La Grande caravane). Le budget se réduisant comme peau de chagrin, il reste moins de 110 000 dollars pour faire le film. Autant dire qu’il va falloir faire des concessions…

Dès l’entame du Clandestin, le ton est donné. Un chat parvient à échapper à la surveillance d’un groupe de scientifiques qui pratiquaient des expériences sur lui dans un laboratoire de Floride et rode dans le parking souterrain du bâtiment. Des hommes en combinaison antiradiations le cernent et tentent de l’endormir avec une flèche tranquillisante. Mais lorsque l’un d’entre eux s’approche trop près du félin, la bouche du matou s’ouvre pour révéler un second chat – monstrueux celui-ci – qui surgit et se jette sur lui. S’ensuivent les hurlements, les jets de sang… et les éclats de rire irrépressibles des spectateurs. Comment rester de marbre face à ce concept aberrant (un chat démoniaque caché dans le corps d’un autre chat) et devant les effets spéciaux désespérément simplistes sollicités pour lui donner corps (une rudimentaire marionnette à main conçue par Jim et Debi Boulden) ? Le potentiel comique du film est d’autant plus grand qu’il se prend très au sérieux, visiblement inconscient de cet humour au second degré qu’il véhicule constamment et qui lui vaudra des déclarations d’amour de la part des fans de nanars. Chaque attaque de la créature est plus drôle que la précédente, et l’on pense aux fausses pubs des Nuls pour le CCC (« comité contre les chats ») qui utilisaient abondamment des faux félins en peluche balancés devant la caméra et agrémentés de bruitages de cris hystériques. Greydon Clark n’utilise d’ailleurs que deux miaulements en tout et pour tout qui seront inlassablement répétés tout au long du film.

La croisière chat m’use

Mais il nous faut tout de même tenter de nous intéresser à l’histoire. Nous découvrons donc avec perplexité cinq étudiants (deux bimbos écervelées, deux abrutis invétérés et un spécialiste de la biologie beaucoup plus intelligent que les autres) qui s’embarquent sur le yacht d’un milliardaire véreux et de ses deux associés, accompagnés du chat qu’ils ont ramassé dans la rue. Le prétexte pour réunir ces personnages est saugrenu (les trois gangsters en route vers les îles Caïman proposent aux étudiants de servir d’équipage puisque les anciens employés ont pris la poudre d’escampette), mais nous ne sommes plus à ça près. La routine qui s’installe ensuite laisse rêveur : des amourettes entre ados filmées comme dans un téléfilm érotique du dimanche soir, des scènes de bagarre à mourir de rire (les trois acteurs vétérans ne sont plus dans leur prime jeunesse et chaque effort physique semble compliqué) et ce bon vieux chat mutant qui revient faire des siennes régulièrement. Chaque apparition de la méchante marionnette est un pur réjouissement, accompagnée des grimaces outrées des victimes qui n’en finissent plus de hurler et des maquillages spéciaux conçus à base de « bladders » (les fameuses vessies gonflables en latex) et de faux sang généreusement répandu. Tandis que l’étudiant en biologie s’efforce de nous donner des explications scientifiques, les morts violentes s’accumulent jusqu’à un climax inimaginable où le yacht est remplacé par une petite maquette filmée dans la piscine de Greydon Clark, visiblement à bout de ressources mais déterminé à finir coûte que coûte ce croisement délectable entre Alien et Titanic !

 

© Gilles Penso

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