Sur le papier, cette relecture des faits d’arme du colossal barbare tient la route. Mais à l’écran, il en va tout autrement. Trop sage pour convaincre, malgré une violence assumée dans les scènes de combats et de sévices orchestrés par Khalar Zym et sa fille versée dans la sorcellerie (Rose McGowan), ce Conan souffre d’une absence cruelle de vision. John Milius et son scénariste Oliver Stone avaient un point de vue sur le récit qu’ils construisaient, auquel ils surent imprimer une personnalité forte, une brutalité primitive et une ampleur opératique. On cherchera en vain la moindre équivalence ici. De toute évidence, Marcus Nispel obéit à un cahier des charges établi par le studio, s’efforce de doser les ingrédients susceptibles de le conduire au succès, et se met en quête d’une alchimie hors de portée. Quelques séquences purement fantastiques surnagent, comme le combat surprenant contre les hommes de sable, l’assaut final d’un céphalopode géant aux réminiscences lovecraftiennes ou cette vision surréaliste d’une montagne en forme de visage hurlant. Mais la magie n’opère pas. Jason Momoa ne peut s’empêcher de moderniser son jeu par des clins d’œil et des punchlines anachroniques, la partition de Tyler Bates (transfuge de 300) manque d’inspiration, Stephen Lang cabotine dans le sillage de la remarquable prestation qu’il offrit à Avatar, et le spectateur finit par s’ennuyer ferme. Nous sommes finalement plus proche du sympathique Kalidor de Richard Fleischer que du séminal Conan le barbare de John Milius.
© Gilles Penso