ESCAPE GAME (2019)

Six personnes sans point commun apparent sont invitées à participer à un mystérieux escape game dont les pièges et dangers s’avèrent bien réels…

ESCAPE ROOM

 

2019 – USA / AFRIQUE DU SUD

 

Réalisé par Adam Robitel

 

Avec Taylor Russell, Logan Miller, Jay Ellis, Tyler Labine, Deborah Ann Woll, Nik Dodani, Yorick van Wageningen

 

THEMA TUEURS

Le cinéma d’horreur aime à humer l’air du temps, s’en inspirer, l’intégrer, pour satisfaire chaque nouvelle génération de spectateurs en quête de frissons. Après les tueurs psychopathes, le found footage ou le torture porn, quelle nouvelle tendance pour les adolescents de 2020 ? Si les téléphones portables font souvent partie des accessoires, ils n’ont pas généré une vague de « films de téléphone », le pire cauchemar des utilisateurs étant assez terre-à-terre : ne plus avoir de batterie ! Sony Columbia a donc eu la « bonne » idée de produire cet Escape Game, surfant sur la popularité grandissante de ces jeux de société grandeur nature dont familles et groupes d’amis sont devenus friands depuis quelques années. Il faut dire que ces salles garantissent une immersion et un sens de la collaboration supérieurs à n’importe quel jeu vidéo. Et puis, oubliées les premières salles basées exclusivement sur des enquêtes façon « Sherlock Holmes » : nombres d’entre elles puisent leur inspiration dans les univers cinématographiques les plus populaires, de Saw à The Conjuring en passant par The Walking Dead. Mais c’est bien le problème d’Escape Game dont l’approche apparait dès lors assez vaine : en tentant de transposer à l’écran le concept de salles elles-mêmes sous influence du cinéma d’horreur, le serpent ne se mord-il pas la queue ?

Espace Game entend nous prendre à la gorge en prenant une partie en cours. Le lieu : une bibliothèque dans un manoir. Un jeune homme tombe d’une trappe située au plafond et les murs commencent à se rapprocher comme un étau. Le mobilier vole en éclats, le joueur hurle de peur et de désespoir. Va-t-il se faire écrabouiller ? Générique. Nous connaitrons l’issue de la scène quelques 85 minutes plus tard, mais on s’interroge tout de suite sur l’intérêt de cette entrée en matière parfaitement gratuite, sinon que la production devait avoir très peu foi en ses scènes d’exposition pour penser avoir besoin de la dynamiser de façon aussi artificielle. Le film enchaine sur les présentations successives de trois des six personnages qui vont participer au jeu. Pourquoi pas tous ? On peut encore une fois supposer qu’il s’agit d’un choix de montage destiné à permettre à la partie de démarrer au plus vite. La caractérisation des personnages est de toutes façons tellement schématiques qu’elle n’apporte absolument rien au déroulement du film. Autant ne pas s’attarder donc. On apprend toutefois que tous ont reçu par courrier un étrange cube noir. Pourquoi cherchent-ils tous à tout prix à ouvrir cet objet dont ils ignorent la provenance ? Voici une question plus intrigante que le cube lui-même ! À l’intérieur se trouve une carte d’invitation pour participer à un escape game… et bien sûr, tous s’y rendent. Sur place, aucun n’a l’air particulièrement ravi d’être là ni se montre sympathique avec les autres. Pourquoi être venu ? Encore un mystère… Mais ils réalisent très vite que la partie a déjà commencé. En quelques minutes, la salle d’attente où ils font connaissance se transforme en four géant, avec lance-flammes au plafond. Le groupe parvient à s’échapper et arrive dans une seconde zone : une cabane au bord d’un lac gelé au milieu des montagnes (!?), alors qu’ils sont toujours dans le bâtiment. Le panorama est en fait un mur-écran à LED. Décidément, les organisateurs n’ont pas regardé à la dépense. De son côté, le spectateur comprend qu’il est lui aussi piégé car à ce stade, il va encore falloir tenir plus d’une heure. Pour qui a vu le film au cinéma, l’expérience en devient carrément méta : où est la sortie ? La mécanique infernale du scénario enchaine une demi-douzaine de salles, chacune d’elle basée sur l’expérience personnelle d’un des joueurs. Une salle, un mort. On se prend ainsi à décompter le nombre de survivant en attendant la fin. On comprend en cours de route que les invitations n’ont pas été envoyées par hasard et que le maître du jeu est à la tête d’une organisation secrète qui effectue des expériences « scientifiques » sur des cobayes humains, afin de percer le secret des aléas qui permettent à certains de survivre à des situations extrêmes.

La grande évasion

Après l’anecdotique Insidious : la dernière cet en attendant Insidious : The Dark Real à sortir en 2021, le réalisateur Adam Robitel livre ici un produit de consommation courante qui ne dépareillerait pas une certaine plate-forme de streaming, en raison notamment d’une écriture favorisant le visionnage en tranches et une intensité dramatique proche du néant. Le concept même de l’escape game mortel tenait de la rencontre improbable du slasher et de « Fort Boyard », mais la production semble pourtant y croire, allant même jusqu’à emprunter au John Doe de Se7en et au Jigsaw de Saw leur discours sentencieux et nihiliste sur la société. Ajoutez une dose de Hostel et bien sûr de Cube et vous obtiendrez sans surprise un résultat aussi dérivatif que dilué. Le game master cherche ici à satisfaire la fascination morbide de ses clients (riches) pour la mort des candidats, mais aussi pour observer la capacité de l’être humain à déployer des ressources insoupçonnées pour garantir sa survie, jusqu’au recours au mensonge et à la manipulation. Escape Game tente d’ailleurs de se prendre au sérieux en citant les jeux du cirque de la Rome antique comme symbole de notre besoin d’exorciser la peur de la mort, et brouille nos repères moraux en accusant un des personnages d’avoir causé la mort de ses amis dans un accident de voiture, après avoir préféré prendre le volant dans un état d’ébriété avancé pour économiser le prix d’un trajet en taxi. Pour la subversion, on repassera. Le pire dans l’histoire, c’est que l’épilogue annonce une suite déjà en cours de production qui devrait débarquer en salles en 2022. Oui, en salles. Car nous vivons dans une époque où Annihilation sort directement sur Netflix alors qu’Escape Game 1 et 2 sortent en salles. Allez comprendre…

 

 © Jérôme Muslewski

 

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