MANDY (2018)

Nicolas Cage affronte une secte satanique et des motards démoniaques dans ce film d’horreur psychédélique inclassable

MANDY

 

2018 – USA / BELGIQUE

 

Réalisé par Panos Cosmatos

 

Avec Nicolas Cage, Andrea Riseborough, Linus Roache, Bill Duke, Richard Brake, Ned Dennehy, Olwen Fouéré, Line Pillet, Clément Baronnet

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I TUEURS

Panos Cosmatos est le fils du réalisateur George Pan Cosmatos, à qui nous devons notamment Le Pont de Cassandra, Terreur à domicile, Rambo 2, Cobra et Leviathan. Après avoir été assistant de son père sur le western Tombstone, Cosmatos Jr fait ses débuts de metteur en scène en 2010 avec le film de science-fiction Beyond the Black Rainbow. Huit ans plus tard, il revient à la charge avec Mandy, un film d’horreur psychédélique dont il aimerait confier le premier rôle à Nicolas Cage. Alors que beaucoup considèrent que sa prestation dans Embrasse-moi vampire est embarrassante et excessive, Panos Cosmatos avoue pour sa part que c’est le rôle de Cage qu’il préfère. Et c’est dans cet état d’esprit qu’il aborde le comédien. Il l’envisage pour incarner Jeremiah, gourou d’une dangereuse secte mystique. Mais Cage préfèrerait interpréter l’anti-héros de cette histoire, celui qui se dresse justement contre les forces du mal. Les deux hommes tergiversent, arbitrés par Elijah Wood qui a accepté entretemps de produire le film. L’acteur a finalement gain de cause et Cosmatos revoit sa copie pour adapter le personnage à sa personnalité. À l’instar de Beyond the Black Rainbow, Mandy est situé au milieu des années 80, une période que le réalisateur aime tant (celle de son enfance et du début de son adolescence) qu’il en reproduit le style visuel, les ambiances musicales et la patine avec un soin tout particulier.

Nous sommes donc en 1983, quelque part dans le Nord-Ouest Pacifique. Isolés dans une maison au milieu des bois, Red (Nicolas Cage) et Mandy (Andrea Riseborough) mènent une existence simple et paisible, loin du tumulte et de la civilisation. Elle est artiste, lui bûcheron, et tous deux flottent dans un bonheur tranquille. Bien sûr, c’est l’accalmie avant la tempête. Car un jour funeste, Mandy croise dans la forêt un camping-car abritant les membres d’un groupe d’adorateurs du mal menés par un chef spirituel mystique, Jeremiah (Linus Roache), dont le profil psychotique est visiblement calqué sur celui de Charles Manson. Chanteur raté reconverti en gourou hippie, Jeremiah jette son dévolu sur Mandy dont il veut faire sa compagne. Il sollicite donc ses fidèles adeptes mais aussi les « Black Skulls », quatre motards démoniaques tout de cuir vêtus dont le look n’est pas sans rappeler celui des Cénobites d’Hellraiser. Dès lors, le petit paradis de Red et Mandy se transforme en enfer incandescent, et notre bûcheron doux comme un agneau se mue en ange exterminateur animé par une soif de vengeance inextinguible.

Cage se déchaîne !

L’univers quasi-hypnotique dans lequel nous plonge Panos Cosmatos n’a pas vraiment d’élément de comparaison, le cinéaste évitant les références geek de mise en matière de nostalgie des années 80 (à l’exception peut-être d’une allusion à un certain Crystal Lake, lieu de villégiature du Jason de la saga Vendredi 13). Il s’agit presque d’un « trip » new age, baigné dans une esthétique sublime se souciant bien peu d’une quelconque approche réaliste au profit d’une série de tableaux extrêmement graphiques mis en lumière par Benjamin Loeb. Une musique synthétique envoûtante envahit la bande-son, œuvre du compositeur attitré de Denis Villeneuve, Johan Johannsson, dont ce sera l’une des dernières bandes originales (Mandy lui est dédié). Les choix visuels du film passent aussi par quelques courtes séquences oniriques en dessin animé dans lesquelles l’influence de Métal Hurlant est manifeste, ainsi que par l’intégration de titres animés qui chapitrent le récit. Dans ce film où les téléviseurs diffusent des programmes improbables (le film de science-fiction Nightbeast de Don Dohler, une fausse pub dans laquelle un gobelin vomit des macarons au fromage sur des enfants hilares), où le gore surgit entre deux moments de grâce, où l’on se bat à coup de haches médiévales ou de tronçonneuses, le spectateur ne sait plus trop où donner de la tête… comme si David Lynch, Rob Zombie, Russell Mulcahy et Richard Stanley s’étaient donnés rendez-vous pour accoucher ensemble d’une œuvre contre-nature. Quant à Nicolas Cage, il a bien sûr droit à SA scène d’anthologie, le temps d’un plan-séquence de deux minutes dans une salle de bains où il craque, hurle, pleure et vide une bouteille d’alcool. Au milieu de tant d’exubérances, le fil de l’intrigue, ramené à sa plus simple expression, passe inévitablement au second plan. Cette histoire de secte démoniaque et de vengeance sanglante semble n’être que le prétexte d’une expérience sensorielle inédite qui sera vécue – au choix – comme merveilleusement fascinante ou désespérément vide de sens.

 

© Gilles Penso

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