LE CIEL PEUT ATTENDRE (1943)

Arrivé à la fin de sa vie, un homme se retrouve face au diable qui n’est pas certain de devoir l’accueillir en Enfer…

HEAVEN CAN WAIT

 

1943 – USA

 

Réalisé par Ernst Lubitsch

 

Avec Don Ameche, Gene Tierney, Charles Coburn, Laird Cregar, Allyn Joslyn, Michael Ames, Louis Calhern, Helene Reynolds

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I MORT 

C’est la pièce « Birthdays », créée en 1934 par le dramaturge hongrois Laszlo Bus-Fekete, qui sert d’inspiration au scénario du Ciel peut attendre, écrit avec beaucoup de finesse par Samson Raphaelson. Après une vie de mauvaise conduite, Henry Van Cleve (Don Ameche), un impénitent coureur de jupons, meurt à l’âge de soixante-six ans et imagine en toute logique que Satan lui a gardé une place bien au chaud en Enfer. Mais le diable (Laird Cregar) n’est pas certain de devoir « accueillir » cette âme en peine. « Voudriez-vous être assez aimable pour me citer, par exemple, l’un des crimes exceptionnels que vous avez commis ? » lui demande fort poliment « Son Excellence ». Mais Van Cleve est bien en peine de trouver une réponse satisfaisante. « J’ai bien peur de n’en avoir commis aucun », répond-il donc. « Mais je peux affirmer sans me tromper que ma vie entière est une infraction ininterrompue. » Pour être sûr de son choix, Satan lui demande donc de raconter sa vie amoureuse, depuis le dévergondage de sa professeure d’anglais alors qu’il n’avait que quinze ans jusqu’aux diverses beautés qui tombèrent dans ses bras sur ses vieux jours en passant par la fiancée de son cousin qu’il séduisit la veille de son mariage…

Fidèle à la comédie romantique sophistiquée dont il a réalisé quelques-uns des plus beaux fleurons dans l’Amérique des années trente et quarante (La Huitième femme de Barbe Bleue, The Shop Around the Corner et surtout l’incontournable To Be or not To Be), Ernst Lubitsch utilise ici le prétexte fantastique d’un entretien avec l’émissaire du Diable pour tracer le portrait attachant d’un homme mal compris, un rôle qu’il destinait à l’origine à Rex Harrison (L’Aventure de Madame Muir) ou Frederic March (Docteur Jekyll et Mister Hyde). Faisant fi de tout manichéisme et inversant les notions de morale généralement admises, Le Ciel peut attendre se pare d’un beau Technicolor (la photo est signée par le vétéran Edward Cronjager, 125 films au compteur) et bénéficie du jeu plein de finesse de Don Ameche, dans le rôle du protagoniste dont le scénario retrace la vie.

Le charme fou de Gene Tierney

Le maquillage vieillissant appliqué par Guy Pearce sur Ameche, alors âgé de vingt-cinq ans, anticipe habilement sur le vrai visage qu’aura l’acteur bien des décennies plus tard (on se souvient notamment de ses prestations sexagénaires dans Un Fauteuil pour deux et Cocoon). Ce film nous donne également l’occasion d’admirer dans toute sa splendeur Gene Tierney, autour de qui gravite toute l’histoire de notre héros. Avec sa structure en flash-back étalée sur toute sa longueur et son postulat céleste, le film de Lubitsch rappelle d’autres œuvres de la même veine, en particulier La Vie est belle qui sortira trois ans plus tard sur les écrans américains. Et à l’instar des films de Frank Capra, Le Ciel peut attendre distille une bonne humeur très rafraîchissante. Un film homonyme sera réalisé en 1978 par Warren Beatty. Il ne s’agit pas d’un remake mais de l’adaptation d’une autre pièce (écrite en 1938) qui se nomme justement « Heaven Can Wait » et dont Alexander Hall tira déjà le film Le Défunt Récalcitrant en 1941.

 

© Gilles Penso

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