THE DEEP HOUSE (2021)

Les duettistes Alexandre Bustillo et Julien Maury se lancent dans un concept inédit : un film de maison hantée tourné sous l’eau !

THE DEEP HOUSE

 

2021 – FRANCE

 

Réalisé par Alexandre Bustillo et Julien Maury

 

Avec James Jagger, Camille Rowe, Éric Savin

 

THEMA FANTÔMES

Les amateurs de cinéma d’épouvante se souviennent bien de cette scène mythique de l’Inferno de Dario Argento où la poétesse Rose Elliott, incarnée par Irène Miracle, plongeait dans les fondations immergées d’un immeuble newyorkais et débouchait dans une salle inondée à la beauté lugubre – des statues, des lustres, des tableaux, une cheminée – sans pouvoir regagner la surface… Imaginez une telle séquence surréaliste étalée sur la durée d’un long-métrage et vous aurez une idée du spectacle inédit qu’offre The Deep House. L’idée est venue d’une discussion à bâtons rompus entre Alexandre Bustillo et Julien Maury, en quête d’un nouveau projet de long-métrage, aboutissant à la question suivante : pourquoi ne pas concevoir un film de maison hantée qui se déroulerait entièrement sous l’eau ? L’idée est simple et géniale à la fois, d’autant qu’elle relève du jamais vu tout en s’appuyant sur une certaine réalité, celle de villages entiers engloutis dans plusieurs régions de France. Le sixième film des duettistes est donc particulièrement ambitieux, surtout au regard de son budget très raisonnable estimé à 5 millions d’euros. Pour parvenir à concrétiser cette idée, l’équipe s’installe dans les studios Lites en Belgique, qui abritent le plus grand réservoir de cinéma d’Europe (9 mètres de profondeur et 21 de large), pour 33 longues journées de tournage, les prises de vues « en surface » étant captées quant à elles dans l’Hérault, le Tarn et les studios de Bry-sur-Marne.

Les protagonistes de The Deep House sont Tina (Camille Rowe, qu’on a pu apprécier dans Rock’n Roll et Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part) et Ben (James Jagger, vu dans la série Vinyl et accessoirement fils d’un chanteur prénommé Mick). Youtubeurs spécialisés dans l’exploration de lieux abandonnés, tous deux se lancent dans une nouvelle aventure pour leur prochaine vidéo : partir à la découverte d’une maison submergée dans les profondeurs d’un lac isolé du sud de la France. Revêtus d’un équipement de plongée sophistiqué, munis de caméras embarquées sur leurs masques et d’un drone aquatique qui les suit partout, capables de communiquer grâce à système de micros et d’écoute, ils s’immergent. Mais rien ne les prépare à ce qu’ils vont découvrir dans les profondeurs…

Quand Abyss rencontre Shining

À partir du moment où le couple s’enfonce dans les eaux, The Deep House assume définitivement son concept fou, au point de se dérouler dès lors en temps réel. Nous savons que Tina et Ben n’ont que soixante minutes d’oxygène à leur disposition, qu’il reste une heure de métrage et que la sympathique randonnée aquatique s’apprête à se transformer en cauchemar… Habiles, Alexandre Bustillo et Julien Maury jouent sur l’attente du spectateur, construisant lentement mais sûrement un climat insolite qui passe par plusieurs phases successives : l’étrangeté, l’inquiétude, la peur et enfin la panique. Une fois n’est pas coutume, les auteurs d’À l’intérieur et Aux yeux des vivants s’éloignent du gore et de l’horreur graphique qui sont presque devenus leur signature au profit d’une terreur plus insidieuse. D’ailleurs, les vecteurs majeurs d’effroi sont ici le décor immergé (d’une incroyable photogénie) et l’eau elle-même (transformée en entité quasiment organique), bien plus que les apparitions spectrales qui, pour le coup, empruntent des sentiers plus familiers. Au-delà de l’incroyable challenge logistique que représente The Deep House, les deux cinéastes parviennent à rendre la topographie des lieux parfaitement lisible et identifiable, sauf dans les brefs moments d’affolement qui désorientent volontairement les spectateurs et les personnages. C’est en soi un véritable exploit, preuve de la virtuosité d’un film tellement audacieux et immersif qu’on en oublie volontiers les quelques facilités qui jalonnent son dernier acte. Il fallait tout de même oser le mixage entre Abyss et Shining ! À découvrir de préférence en salles, bien sûr.

© Gilles Penso

 

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