FREE GUY (2021)

Personnage secondaire d’un jeu vidéo, Guy s’éveille soudain à la vie et décide de mener une existence indépendante…

FREE GUY

 

2021 – USA

 

Réalisé par Shawn Levy

 

Avec Ryan Reynolds, Jodie Comer, Joe Keery, Lil Rel Howery, Utkarsh Ambudkar, Taika Waititi, Camille Kostek, Channing Tatum 

 

THEMA MONDES VIRTUELS ET MONDES PARALLÈLES ROBOTS ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Free Guy fait partie de ces scénarios qui enchantent tout Hollywood mais mettent beaucoup de temps à trouver preneur. Matt Lieberman (auteur du film d’animation La Famille Addams) commence à le faire circuler en 2016. Deux ans plus tard, Ryan Reynolds s’emballe en le découvrant et le propose tout de suite à Shawn Levy. Fort de son expérience de producteur et réalisateur sur la trilogie La Nuit au musée, Real Steel ou la série Stranger Things, Levy semble être l’homme de la situation. Il s’entend avec Reynolds qui partage avec lui le poste de producteur, s’impliquant autant dans la conception du long-métrage qu’il le fit sur les deux Deadpool. Le scénario nécessite tout de même un petit coup de « polish ». Zak Penn, qui avait déjà côtoyé l’univers des jeux vidéo en co-écrivant avec Ernest Cline le script de Ready Player One, s’occupe de cette relecture et finit par devenir officiellement coscénariste avec Liebermann. Développé au sein de la compagnie 20th Century Fox avant que Disney n’en fasse l’acquisition, Free Guy est donc un projet presque « miraculé » qui aura survécu au rachat, produit de fait sous le label « 20th Century Studio ».

Nous sommes dans un jeu vidéo qui semble mixer GTA et Fortnite. Ici, tout n’est que missions spéciales, explosions, cascades de voitures, hold-up musclés et bagarres. Ce jeu, « Free City », est l’un des plus gros succès du moment. Comme toujours dans ce type d’univers virtuel, il existe des personnages secondaires qui n’existent que pour « faire partie des meubles ». Ce sont les PNJ, les personnages non joueurs. Guy est l’un d’entre eux. Il évolue joyeusement dans ce monde pétaradant, toujours habillé de la même chemisette, toujours féru du même café chaque matin, toujours fidèle au poste dans la banque où il est guichetier. Ignorant totalement qu’il n’est qu’une ligne de code écrite par les concepteurs du jeu, Guy voit sa vie basculer lorsque son regard croise celui d’une guerrière armée jusqu’aux dents dont il tombe éperdument amoureux…

Ready Player Guy

Au-delà des références vidéoludiques qui émaillent logiquement l’univers de Free Guy, de nombreux longs-métrages traversent l’esprit des spectateurs au fil du déroulement du film. La routine quotidienne de cet anti-héros béat se satisfaisant de la vacuité de sa vie d’apparat évoque irrésistiblement La Grande aventure Lego. La découverte des lunettes qui, dès qu’on les chausse, permettent de voir le monde sous un angle totalement différent, gorgé de messages cachés, rappelle Invasion Los Angeles. Le principe même du personnage vivant dans un monde dont le caractère factice lui échappe fait directement écho au Truman Show. Certains trouveront même des correspondances avec la filmographie passée de Ryan Reynolds : des scènes d’action brutalement interrompues pour passer au ralenti sur des chansons sirupeuses à la manière de Deadpool, l’euphorie tranquille du protagoniste immergé dans un environnement trop parfait pour être vrai comme dans The Voices… S’il assume manifestement toutes ces références, Free Guy les digère pour les réinventer sans chercher l’approche postmoderniste d’un Ready Player One. Ici, il y a bien quelques clins d’œil très appuyés, mais pour le reste la cohérence de l’univers bâti dans le film se suffit amplement à elle-même. Si Free Guy tient aussi bien la route, c’est parce que son approche des jeux vidéo est rationnelle et que son scénario parvient à embrasser des considérations sociologiques qui vont bien plus loin que ce que ses prémices laissaient imaginer. Certes, l’intrigue rebondit sans doute un peu trop, poussant les auteurs à recourir à quelques raccourcis parfois durs à avaler. Mais ce que raconte le film en filigrane de son postulat – la quête vitale de l’individualité, la bêtise primaire mais irrépressible des instincts guerriers, l’évolution inattendue de certaines intelligences artificielles – s’avère passionnant. C’est sans doute ce qui dote cette comédie tout public d’un petit supplément d’âme.

 

© Gilles Penso


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