L’ENTERRÉ VIVANT (1962)

Pour sa troisième adaptation des écrits d’Edgar Poe, Roger Corman met en vedette un homme terrifié à l’idée d’être mis en terre encore vivant…

THE PREMATURE BURIAL

 

1962 – USA

 

Réalisé par Roger Corman

 

Avec Ray Milland, Hazel Court, Richard Ney, Heather Angel, Alan Napier, John Dierkes, Dick Miller, Clive Halliday

 

THEMA MORT I SAGA EDGAR POE PAR ROGER CORMAN

Roger Corman s’étant momentanément brouillé avec American International Pictures, qui produisit ses deux précédentes adaptations d’Edgar Poe, il dut financer L’Enterré vivant avec l’aide des laboratoires Pathé et se passer de sa vedette Vincent Price, alors sous contrat exclusif chez AIP. Et c’est plus que dommage, car le héros torturé de La Chute de la maison Usher et La Chambre des tortures brille ici cruellement par son absence. Ray Milland, qui fut un mémorable salaud dans Le Crime était presque parfait d’Alfred Hitchcock, reprend donc le difficile flambeau en incarnant avec charisme le fort tourmenté Guy Carrell. Ce que Milland perd en magnétisme par rapport à son illustre prédécesseur, il le gagne cependant en fragilité et en sensibilité. Retiré dans une vieille demeure victorienne perdue au beau milieu d’une forêt d’arbres morts éternellement enlinceulés de brume stagnante (l’un de ces magnifiques décors conçus en studio par le brillant directeur artistique Daniel Haller), Carrell est terrifié à l’idée d’être un jour enterré vivant, comme le fut son père, victime d’une attaque catatonique imitant l’aspect de la mort.

Contre l’avis de sa sœur Kay, Carrell épouse la belle Emily Gault (Hazel Court, héroïne de Frankenstein s’est échappé), et semble peu à peu retrouver sa joie de vivre. Mais sitôt le mariage célébré, Guy se laisse à nouveau hanter par sa phobie qu’il mue en véritable obsession, d’autant qu’il est régulièrement harcelé par la vision de deux sinistres fossoyeurs ricanants, dont l’un est interprété par Dick Miller, l’un des acteurs fétiches de Roger Corman. « Pouvez-vous concevoir une telle chose : l’intolérable oppression des poumons, les exhalaisons suffocantes de la terre, l’étreinte rigide du cercueil, les ténèbres de la nuit et du silence absolu, comme une marée engloutissante ? » déclame ainsi Milland avec emphase, les dialogues de Charles Beaumont et Ray Russell rendant un bel hommage au texte torturé d’Edgar Poe chez qui la Mort a toujours été la phobie suprême et le pire des monstres (sa vie personnelle ayant été plus d’une fois ponctuée de décès brutaux).

« L’étreinte rigide du cercueil »

Puis survient cette séquence étonnante où Guy fait fièrement visiter à son épouse le mausolée flambant neuf qu’il vient de faire construire sur mesure, truffé d’issues de secours, de passages secrets, de trappes et d’alarmes, au cas où… Plus tard, le mausolée réapparaît dans une autre scène d’anthologie, transfiguré cette fois-ci par un cauchemar sinistre où Guy imagine qu’aucun de ses mécanismes ne fonctionne, le lieu étant envahi par les toiles d’araignées, les rats, les tarentules et les asticots. L’intrigue s’achemine sourdement vers son issue fatale, jusqu’à ce que la dernière demi-heure ne brise sa linéarité en multipliant les rebondissements riches en complots et en machinations, clignant au passage de l’œil vers la fameuse nouvelle « Les Résurrectionnistes » de Robert Louis Stevenson. Pour la petite histoire, le réalisateur se réconcilia finalement avec ses producteurs dès le début du tournage. Pathé revendit donc ses parts et L’Enterré vivant fit officiellement partie du prestigieux package Corman/Poe/AIP.

 

© Gilles Penso

 

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