LE VENGEUR INVISIBLE (1954)

Cobaye d’une expérience militaire ayant mal tourné, un homme invisible vit dans la clandestinité en se maquillant en clown…

TÔMEI NINGEN

 

1954 – JAPON

 

Réalisé par Motoyoshi Oda

 

Avec Seizaburô Kawazu, Miki Sanjô, Minoru Takada, Yoshio Tsuchiya, Kenjirô Uemura, Kamatari Fujiwara, Fuyuki Murakami, Yô Shiomi, Sônosuke Sawamura

 

THEMA HOMMES INVISIBLES

Cinq ans après L’Homme invisible apparaît, le cinéma de science-fiction japonais tente une variante sur le même thème avec cet étonnant Vengeur invisible. Au cours d’un prologue choc qui lance l’intrigue sur les chapeaux de roue, un automobiliste est persuadé d’avoir heurté quelqu’un en pleine rue, dans le quartier animé de Ginza. La foule se masse autour de son véhicule mais on ne voit personne. Soudain du sang apparaît sous la voiture, puis un cadavre. Aux côtés de ce corps mystérieux se trouve une lettre de suicide. L’homme y explique qu’il faisait partie d’un commando d’agents invisibles créés par le gouvernement à l’aide d’un rayon radioactif. Tous sont morts au large de l’île de Saipan sauf deux d’entre eux qui se sont échappés. Celui-ci ayant décidé de mettre fin à ses jours, ne supportant plus cette vie de paria invisible, il en reste un dernier. Mais où est-il ? Komatsu (Yoshio Tsuchiya), un jeune reporter enthousiaste, décide de mener l’enquête. Le spectateur devine assez rapidement que l’homme que tout le monde recherche est Nanjo (Seizaburô Kawazu), qui cache son invisibilité en se maquillant comme un clown et gagne chichement sa vie en portant des panneaux publicitaires…

Comme L’Homme invisible apparaît, cette relecture du mythe popularisé par H.G. Wells combine la science-fiction avec des éléments policiers. Des gangsters terrorisent en effet la ville en s’enveloppant d’écharpes et de grands manteaux pour faire croire à leurs victimes qu’ils font partie d’un gang d’hommes invisibles. Le scénario de Shigeaki Hidaka intègre aussi de nombreux motifs mélodramatiques : la fillette orpheline et aveugle qui attend une opération des yeux, le héros sans le sou qui veut lui offrir une boîte à musique, la chanteuse harcelée par son patron, le grand-père tué par les gangsters. Visiblement désireux de mêler les styles et les genres, Le Vengeur invisible ose parfois de curieux grands écarts, alternant la comédie bon enfant (le clown invisible nargue les gangsters en jouant des instruments de musique dans le cabaret), les numéros de music-hall à répétition (chansons langoureuses, danses sexy, opérettes) et les scènes de sadisme très adultes (la danseuse en sous-vêtements attachée et fouettée par les vilains). De fait, il n’est pas simple de comprendre à quel genre de public le film s’adresse.

Un climax explosif

Cette idée du clown qui ne quitte jamais son maquillage pour ne pas révéler son identité rappelle beaucoup le personnage de James Stewart dans Sous le plus grand chapiteau du monde de Cecil B. De Mille. Cette trouvaille scénaristique est audacieuse, même si elle manque de crédibilité : même avec un maquillage, comment les yeux et les dents de Nanjo sont-ils visibles ? Lorsque la pègre locale va trop loin, notre homme invisible décide enfin de sortir de l’anonymat, quittant son déguisement afin d’aller les affronter sur leur propre terrain… La scène clé au cours de laquelle il révèle son identité au reporter le montre effacer son grimage puis retirer ses vêtements. Eiji Tsuburaya, qui vient tout juste de gérer les multiples effets spéciaux de Godzilla, est une fois de plus chargé de superviser tous les trucages : les portes qui s’ouvrent et se ferment, les objets qui se déplacent dans les airs, le scooter qui roule tout seul, les traces de pas en stop-motion sur le trottoir. Le clou du spectacle est une gigantesque explosion, obtenue avec des maquettes portant indubitablement la signature de Tsuburaya. L’année suivante, ce dernier allait retrouver le réalisateur Motoyoshi Oda pour Le Retour de Godzilla.

 

© Gilles Penso


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