La plupart du temps, les monstres se dissimulent dans une épaisse brume montagneuse, ce qui incite Brooks à déclarer « ce nuage cache le visage de notre ennemi », et ce qui, de l’aveu même de John Carpenter, influencera grandement l’utilisation du brouillard dans le mythique Fog. Mais lorsque les créatures émergent de l’ombre et montrent leur vrai visage, la gravité fait place à de grands éclats de rire (évidemment involontaires). Car le look improbable de ces envahisseurs d’un autre monde s’avère très stimulant pour les zygomatiques : des espèces de pieuvres boursouflées et caoutchouteuses bardées de tentacules flasques et dont le corps aux allures de cerveau hypertrophié s’orne d’un œil unique et globuleux (d’où le titre américain du film, The Carwling Eye, autrement dit « l’œil qui rampe »). Le slogan de l’époque n’y allait d’ailleurs pas avec le dos de la cuiller : « La terreur cauchemardesque de l’œil rampant qui sema l’horreur et l’agonie dans un monde hurlant ! » L’aspect risible de ces blobs tentaculaires ne ruine pas pour autant l’impact et l’efficacité du film, servi par un jeu d’acteurs solide, une photographie noir et blanc soignée, une mise en scène efficace et une ambiance résolument oppressante.
© Gilles Penso