JACK L’ÉVENTREUR (1959)

Une adaptation mémorable des méfaits du serial killer de Whitechapel scénarisée par un des auteurs clés de la Hammer

JACK THE RIPPER

 

1959 – GB

 

Réalisé par Monty Berman et Robert S. Baker

 

Avec Eddie Byrne, Betty MacDowall, Lee Patterson, John Le Mesurier, Ewan Solon, George Rose, Philip Leaver, Barbara Burke

 

THEMA TUEURS

En 1888, cinq prostituées furent sauvagement assassinées dans le quartier pauvre de Whitechapel, à Londres, et la police s’avéra incapable de mettre la main sur le tueur ni même de l’identifier. Bien vite surnommé Jack l’éventreur par la presse de l’époque, ce serial killer avant la lettre enflamma l’imagination des romanciers et des cinéastes, et l’on ne compte plus les œuvres qui s’en inspirèrent tout azimut. Produit, réalisé et mis en image par Monty Berman et Robert S. Baker, ce Jack l’éventreur cru 1959 se distingue de la masse par sa magnifique photographie achrome, sa reconstitution soignée des rues londoniennes du 19ème siècle, sa mise en scène bourrée d’idées visuelles et son excellent scénario signé Jimmy Sangster (à qui nous devons quelques chefs d’œuvre de la Hammer comme Frankenstein s’est échappé, Le Cauchemar de Dracula, La Malédiction des pharaons ou Les Maîtresses de Dracula).

Axé sur l’enquête policière, le récit ne néglige pas pour autant l’atmosphère d’épouvante et le caractère social du drame (qui permet au film de développer un propos atemporel). Au cours de ce sanglant cluedo, les premiers soupçons se portent sur le docteur Tranter (John le Mesurier), qui affirme à ses assistants que tout le secret de la chirurgie moderne réside dans l’incision profonde. A moins que l’assassin ne soit Sir David Rogers (Ewen Solon), le directeur de « l’hôpital de la compassion » qui, à chaque autopsie d’une des victimes de l’éventreur, décrit une strangulation et des blessures multiples de la paroi abdominale. Autres suspects possibles : un quidam agressif qui rôde à chaque fois après chaque meurtre, Louis Benz (Endre Muller), un assistant de l’hôpital au visage partiellement défiguré, ou encore le docteur Urquhart (Garard Green) dont la silhouette ressemble beaucoup à celle du tueur…

Qui est l’assassin ?

Le whodunit fonctionne à merveille, tandis que le script s’amuse à distiller d’indéchiffrables éléments du puzzle, comme cette mystérieuse Mary Clarke que l’assassin cherche partout, ou cette prostituée hospitalisée qui semble inexplicablement liée aux meurtres… Chargé de l’enquête, l’inspecteur O’Neill (Eddie Byrne) piétine, et la nervosité commence à contaminer la population, d’où de nombreuses rixes qui manquent souvent de virer au lynchage. Très inspirés, Berman et Baker tirent profit au maximum d’un casting méconnu mais très convaincant, jouent en virtuose avec les mouvements de caméra (laquelle s’oblique chaque fois qu’une des victimes de l’éventreur s’apprête à périr, créant un ingénieux effet de déstabilisation auprès du spectateur), et agrémentent leur film d’effets de montage inventifs. Le cri d’un homme s’enchaîne ainsi avec les grimaces d’un clown, et les propos d’une jeune femme déclarant à son oncle qu’elle s’apprête à assister à un ennuyeux concert de musique de chambre se raccordent avec un spectacle de french cancan volontiers déluré. L’humour, le suspense, l’angoisse et même un soupçon d’érotisme nimbent cette indéniable réussite, s’achevant sur une séquence d’une suprême ironie : piégé par la police, l’éventreur est en effet contraint d’opérer lui-même une de ses victimes pour lui sauver la vie !

 

© Gilles Penso


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