Le whodunit fonctionne à merveille, tandis que le script s’amuse à distiller d’indéchiffrables éléments du puzzle, comme cette mystérieuse Mary Clarke que l’assassin cherche partout, ou cette prostituée hospitalisée qui semble inexplicablement liée aux meurtres… Chargé de l’enquête, l’inspecteur O’Neill (Eddie Byrne) piétine, et la nervosité commence à contaminer la population, d’où de nombreuses rixes qui manquent souvent de virer au lynchage. Très inspirés, Berman et Baker tirent profit au maximum d’un casting méconnu mais très convaincant, jouent en virtuose avec les mouvements de caméra (laquelle s’oblique chaque fois qu’une des victimes de l’éventreur s’apprête à périr, créant un ingénieux effet de déstabilisation auprès du spectateur), et agrémentent leur film d’effets de montage inventifs. Le cri d’un homme s’enchaîne ainsi avec les grimaces d’un clown, et les propos d’une jeune femme déclarant à son oncle qu’elle s’apprête à assister à un ennuyeux concert de musique de chambre se raccordent avec un spectacle de french cancan volontiers déluré. L’humour, le suspense, l’angoisse et même un soupçon d’érotisme nimbent cette indéniable réussite, s’achevant sur une séquence d’une suprême ironie : piégé par la police, l’éventreur est en effet contraint d’opérer lui-même une de ses victimes pour lui sauver la vie !
© Gilles Penso