DARK WATER (2002)

Le réalisateur de Ring s’intéresse à une nouvelle histoire de fantômes située cette fois dans un appartement envahi par les eaux…

HONOGURAI MIZU NO SOKO KARA

 

2002 – JAPON

 

Réalisé par Hideo Nakata

 

Avec Hitomi Kuroki, Rio Kanno, Mirei Oguchi, Asami Mizukawa, Fumiyo Kohinata, Yu Tokui

 

THEMA FANTÔMES

Motivé par le succès des deux Ring, Hideo Nakata poursuit dans une veine similaire avec Dark Water, toujours adapté d’un roman de Kôji Suzuki. Le cinéaste, qui avait féminisé l’un des héros du roman « Ring » pour mieux l’adapter à sa propre sensibilité, peut ici composer à nouveau avec une jeune mère comme protagoniste principal de son intrigue. Cette figure récurrente vient sans doute – de son propre aveu – d’éléments autobiographiques liés à son enfance, Nakata étant un orphelin élevé par une mère adoptive. « C’est sans doute une coïncidence relevant du subconscient, le fait que j’aie été élevé par une mère et une grand-mère aux caractères bien trempés », déclarait-il en 2005. « Ma vie personnelle et mes émotions sont grandement influencées par ces deux femmes. Mon passé m’aide peut-être à réaliser ces films » (1). L’héroïne de Dark Water est donc Yoshimi Matsubara, qu’interprète avec beaucoup de sensibilité Hitomi Kuroki. Récemment divorcée, elle obtient de justesse la garde d’Ikuko, sa fillette de six ans, et s’installe avec elle dans un appartement tristement glauque, au sein d’un immeuble qui tombe en décrépitude et semble partiellement abandonné. Malgré les efforts de Yoshimi pour décorer leur nouveau logement, l’endroit demeure lugubre, d’autant que de l’eau s’y infiltre insidieusement par le plafond, à travers une tache sombre qui ne cesse de grandir…

Nakata parvient ainsi à construire lentement mais sûrement un climat d’angoisse sourde, proche de celle de la fameuse trilogie claustrophobe de Roman Polanski (Répulsion, Rosemary’s Baby et Le Locataire). Troublée par cette humidité envahissante, harcelée par son époux qui s’acharne à vouloir récupérer la garde de leur fille, Yoshimi a bien du mal à conserver son équilibre mental. D’autant que les événements inexplicables commencent à se succéder avec une régularité alarmante. Il y a ce petit sac d’enfant qui ne cesse d’apparaître et de disparaître, cette silhouette de petite fille qui surgit furtivement aux moments les plus inattendus, et cette eau noire qui s’infiltre peu à peu par tous les pores de l’appartement…

Cauchemar aquatique

Grâce à la fragilité de son héroïne, la finesse de sa relation avec sa fille et l’étrangeté inquiétante de cet enfant fantôme errant dans les couloirs humides, l’impact de Dark Water surpasse celui de Ring. Le film s’avère plus subtil, plus effrayant mais aussi plus touchant, notamment au moment d’un dénouement éprouvant qui joue avec le contraste des émotions, passant subitement de l’horreur viscérale à la profonde mélancolie. En outre, le cinéaste multiplie des images choc incroyables dignes de Shining, comme cette gamine soudain inondée sous des trombes d’eau vomies par les portes d’un ascenseur, ou encore cette baignoire dans laquelle bouillonne sinistrement un liquide sombre manifestement animé d’une vie ectoplasmique… Pour couronner le tout et parachever l’impact de l’œuvre, Kenji Kawaï a composé à l’occasion une partition brillante, qui couvre avec talent un large spectre d’émotions. Dark Water transcende ainsi toutes les histoires de fantômes répétitives dont le cinéma international abreuvait alors le public du début des années 2000 depuis Sixième sens. C’est à n’en pas douter une étape clé dans la filmographie de son auteur.

 

(1) Propos recueillis par Chuck Wagner dans « L’Ecran fantastique » n°252

 

© Gilles Penso

 

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