IDIOCRACY (2006)

Suite à une expérience sur l’hibernation ayant mal tourné, deux cobayes se retrouvent dans un futur où l’humanité est devenue irrémédiablement stupide…

IDIOCRACY

 

2006 – USA

 

Réalisé par Mike Judge

 

Avec Luke Wilson, Maya Rudolph, Michael McCafferty, Dax Shepard, Justin Long, Terry Crews, Anthony Campos, David Herman, Sara Rue, Andrew Wilson

 

THEMA FUTUR

Connu surtout pour avoir créé les séries animées Beavis & Butt-Head et King of the Hill et pour avoir réalisé la comédie 35 heures c’est déjà trop (culte aux États-Unis), Mike Judge raconte que l’idée d’Idiocracy lui est venue un jour de 2001, alors qu’il faisait la queue d’une attraction avec ses filles à Disneyland. Devant lui, deux mères de familles avec poussettes se disputent, l’altercation prenant rapidement la tournure d’un spectaculaire déluge d’insultes. Une pensée fugitive le frappe alors : que se passerait-il si le monde n’était plus habité que par des individus de ce type ? Le succès de 35 heures c’est déjà trop ayant séduit la Fox, le studio invite Judge à développer un nouveau projet de film. Il ressort donc naturellement cette idée d’une Terre futuriste où la bêtise se serait répandue partout. Etan Cohen (partenaire d’écriture de Judge sur Beavis et Butt-Head, à ne pas confondre avec le frère de Joel Coen) vient apporter son grain de sel à un scénario qui met du temps à se construire et qui peine surtout à convaincre les cadres de la Fox. Peu confiants dans cette histoire de science-fiction tournant ouvertement en dérision l’Amérique et ses institutions, ils tardent à se mouiller. Le film reste donc un moment en développement, jusqu’à ce que l’acteur Luke Wilson, séduit, accepte d’en tenir le premier rôle. Idiocracy finit par entrer en production avec un budget modeste de 2,4 millions de dollars mais ne sera jamais pleinement assumé par le studio, très embarrassé par ce concept irrévérencieux.

Sur un mode documentaire, une voix off didactique nous apprend que l’humanité a progressivement suivi une régression intellectuelle inexorable, suivant un processus simple : ce ne sont pas les plus intelligents ou les plus doués qui survivent mais ceux qui se reproduisent le plus. Alors que ce constat laisse imaginer le pire pour l’avenir de la Terre, l’armée met au point une expérience d’hibernation top-secrète et sollicite deux volontaires : le soldat tire-au-flanc Joe Bauers (Luke Wilson) et la prostituée endettée Rita (Maya Rudolph). Ils sont censés être ranimés un an plus tard. Mais leurs caissons sont oubliés et nos deux cobayes ne se réveillent qu’en 2505, au milieu d’une gigantesque avalanche de détritus. Les voilà projetés dans un monde où règne la stupidité, où personne ne sait gérer les ordures, les récoltes, la justice, la santé, et où ces deux êtres pourtant médiocres s’avèrent être désormais les personnes les plus intelligentes de la planète…

Nos amis les bêtes

Dans le monde décrit par Idiocracy, tout le monde s’abrutit devant des programmes télévisés confondant de stupidité – en gros des films pornographiques et des émissions à la Jackass -, le film le plus oscarisé du monde est un plan fixe de deux heures sur une paire de fesses, les grandes marques comme Starbucks proposent des services sexuels à leurs clients, les médecins et les avocats sont des adolescents attardés à la bouche pendante et le président des États-Unis est un idiot congénital qui adore jouer de la gâchette. Le pastiche est délectable, mais on l’aurait aimé plus féroce, mieux ciblé, moins potache. En l’état, Idiocracy provoque de francs éclats de rire mais le trait est trop forcé pour que l’effet miroir déformant fonctionne vraiment. Avec un dosage parodique un peu plus subtil, nous aurions presque pu croire à cette dystopie où la bêtise est reine. Pour autant, Idiocracy aurait mérité une distribution digne de ce nom. Car la Fox se sera désolidarisée jusqu’au bout du film, lui octroyant du bout des doigts des projections tests aux résultats catastrophiques, le laissant traîner sur une étagère pendant plus d’un an, l’exploitant finalement dans un nombre extrêmement limité de salles de cinéma avant sa sortie en DVD. C’est à partir de là qu’Idiocracy se mua en objet de culte et remit au goût du jour le mot qui lui sert de titre – et dont beaucoup firent usage lors du mandat présidentiel de Donald Trump.

 

© Gilles Penso

 

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