TIDELAND (2006)

Une fillette s’isole avec son père junky dans une ferme abandonnée au milieu de la forêt et commence à s’inventer un monde fantastique…

TIDELAND

 

2006 – USA

 

Réalisé par Terry Gilliam

 

Avec Jodelle Ferland, Brendan Fletcher, Janet McTeer, Jennifer Tilly, Jeff Bridges, Jennifer Tilly, Dylan Taylor

 

THEMA CONTES

Mis à mal par le désistement de dernière minute du studio MGM et par ses nombreux différends artistiques avec le producteur Bob Weinstein, Terry Gilliam avait connu toutes les peines du monde à accoucher des Frères Grimm, probablement son film le plus coûteux et le moins personnel. Tourné presque dans la foulée et dans des conditions fort différentes, Tideland pourrait donc presque être perçu comme une revanche du cinéaste, un retour sans concessions à ses premières amours. « Je ne cours pas d’un film à l’autre », explique-t-il. « Ce n’est pas un besoin impérieux. J’attends simplement que les idées viennent, et quand elles commencent à se mettre en place dans ma tête jusqu’à l’obsession, il est temps que j’attaque un nouveau projet. » (1) Tideland est né suite à un véritable coup de foudre de Gilliam pour un roman de Mitch Cullin, que l’ex-Monty Python lui-même qualifie de rencontre entre « Alice au Pays des Merveilles » et Psychose. Aussi incongrue qu’elle puisse paraître, cette association contre-nature définit pourtant assez bien l’univers de Tideland.

Le personnage central est une fillette très imaginative prénommée Jeliza-Rose, dont les parents junkies sont à ce point accros à l’héroïne que la gamine fait presque office de chef de famille à leur place. Lorsque sa mère succombe à une overdose, Jeliza-Rose part s’installer avec son père Noah dans une vieille ferme abandonnée en pleine campagne. Là, elle peuple sa solitude en s’inventant un monde merveilleux dans lequel les écureuils parlent, les corps empaillés s’éveillent à la nuit tombée et les lucioles portent des prénoms. Sa rencontre avec Dickens, un jeune homme épileptique dont l’âge mental ne dépasse pas dix ans, et avec Dell, une femme acariâtre allergique aux abeilles, va peu à peu bouleverser sa vie… Dans les rôles névrosés de Jeliza-Rose, Dell et Dickens, la pétillante Jodelle Ferland, la glaciale Janet McTeer et l’étonnant Brendan Fletcher font des merveilles. Tout comme Jeff Bridges et Jennifer Tilly, seuls visages familiers du grand public, délectables en parents héroïnomanes.

Alice au pays des merveilles rencontre Psychose

A Lewis Carroll et Alfred Hitchcock, il faut d’ailleurs ajouter d’autres références propres à l’univers de Gilliam lui-même, notamment Bandits Bandits, Fisher King et Las Vegas Parano. Le cinéaste appose ainsi sa patte sur ce récit étrange, matérialisant sa liberté retrouvée par une signature visuelle familière : les prises de vues au grand-angle et au steadicam, déformant les visages et les accompagnant en un flottement perpétuel. Pour visualiser le monde imaginaire de sa jeune protagoniste, Tideland collectionne quelques séquences d’effets spéciaux surréalistes, comme la tête de poupée qui prend vie, la maison immergée sous les flots ou la longue chute dans le terrier. Et pourtant, Tideland cesse trop tôt de captiver son public pour s’enfermer dans une rythmique erratique et répétitive. On sent bien, ça et là, une certaine apologie de l’imagination comme échappatoire à une réalité trop atroce, mais le discours se noie dans une confusion totale, se permettant même de traiter à la légère des thématiques telles que le meurtre, la nécrophilie et la pédophilie. Tideland pèche donc par laxisme, malgré ses indiscutables bonnes intentions.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en octobre 2009

 

© Gilles Penso

 

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