CANNIBAL GIRLS (1973)

Dix ans avant S.O.S. fantômes, Ivan Reitman mettait en scène trois jeunes femmes anthropophages dans ce film d’horreur insolite gorgé d’humour noir…

CANNIBAL GIRLS

 

1973 – CANADA

 

Réalisé par Ivan Reitman

 

Avec Eugene Levy, Andrea Martin, Ronald Ulrich, Randall Carpenter, Bonnie Neilson, Mira Pawluk, Bob McHeady

 

THEMA TUEURS I CANNIBALES

Né en Tchécoslovaquie, Ivan Reitman fait ses débuts professionnels à Toronto sur la chaîne City-TV où il rencontre Dan Aykroyd. Prolixe, il produit plusieurs shows, participe au magazine satirique « National Lampoon » puis fait ses premières armes de réalisateur. Après la comédie Foxy Lady, il décide de s’attaquer à un pur film d’horreur dans l’esprit des productions « Grindhouse » qui pullulaient au début des années 70. Ainsi naît Cannibal Girls. Le budget à sa disposition est anémique, équivalent à moins de 15 000 dollars. Quant à son planning de tournage, il se résume à une petite dizaine de jours. Pour parvenir à boucler le film dans des conditions aussi précaires, Reitman choisit des décors naturels canadiens et décide de diriger ses comédiens selon une méthode expérimentale. Ainsi, même si le scénario est rédigé par Robert Sandler, Daniel Goldberg et lui-même, une grande liberté est laissée aux acteurs qui sont invités à inventer eux-mêmes leurs dialogues à partir des situations prédéfinies. En laissant sa caméra capter en plan-séquence plusieurs « tranches de vie » improvisées au fur et à mesure par son casting, le réalisateur gagne ainsi du temps et obtient un résultat très spontané. Et comme Reitman est un grand amateur de comédie, ce que démontrera la suite de sa carrière, il laisse la porte ouverte à de nombreux éléments d’humour malgré la noirceur de son sujet.

Si le titre Cannibal Girls peut à priori prêter à rire, le film aborde d’abord l’horreur au premier degré. Filmés caméra à l’épaule, deux amoureux s’enlacent tendrement jusqu’à ce qu’une tueuse dont on ne voit pas le visage assassine l’homme d’un coup de pioche et dénude la femme qui hurle en gros plan. La légèreté s’installe par la suite à travers l’arrivée de Cliff et Gloria, un couple incarné avec fraîcheur par Eugene Levy et Andrea Martin. À la recherche d’un coin tranquille où passer quelques jours de vacances, ils s’aventurent dans la petite ville enneigée de Farnhamville. La propriétaire du motel où ils s’installent leur parle alors de la légende locale. Il y a bien longtemps, trois jolies jeunes filles s’étaient établies dans une maison pour y attirer des hommes, les tuer à coups de ciseaux, de couteau ou de hache puis les dévorer, le tout avec l’assistance d’un simple d’esprit chargé de stocker la viande ! Un flash-back gratiné nous donne un aperçu de la situation, avec en prime une sorte de cérémonie rituelle où les belles anthropophages se dénudent en psalmodiant : « à l’intérieur et à l’extérieur de mon corps, je rends hommage au sang qui m’a donné la vie. » Cette maison est aujourd’hui un restaurant réputé où Cliff et Gloria décident d’aller dîner. Mais les trois « Cannibal Girls » sont toujours là…

Chair fraîche

Le second long-métrage d’Ivan Reitman se pare d’une petite galerie de personnages hauts en couleur, du flic acariâtre au garagiste bourru en passant par cet improbable « révérend » aux mains baladeuses qui tient les filles cannibales sous sa coupe et les empêche de vieillir grâce à leur régime alimentaire à base de chair fraîche. Désireux de cocher toutes les cases du cinéma s’exploitation des seventies, le réalisateur aborde la violence et l’érotisme frontalement (les corps saignent, les poitrines se dénudent) tout en cultivant un humour bizarre un peu indéfinissable. Sa mise en scène brute et instinctive n’est pas dénuée de charme, mais le scénario semble avancer à l’aveuglette, accusant des longueurs et des pertes de rythme malgré la courte durée du film. Après cette œuvrette gentiment déviante, Reitman produira deux films d’horreur de David Cronenberg, Frissons et Rage, puis s’assagira en dirigeant les comédies Arrête de ramer t’es sur le sable et Les Bleus. Son film suivant, S.O.S. fantômes, fera de lui une superstar. Mais Ivan Reitman n’a jamais oublié d’où il venait. Pour preuve : dans une des séquences de panique de S.O.S. fantômes 2, il montre une salle de cinéma dans laquelle est projeté Cannibal Girls !

 

© Gilles Penso


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