MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE (2022)

Une énième relecture du mythe créé par Tobe Hooper qui sort du lot par sa brutalité et son efficacité, malgré un final bâclé…

TEXAS CHAINSAW MASSACRE

 

2022 – USA

 

Réalisé par David Blue Garcia

 

Avec Sarah Yarkin, Elsie Fisher, Mark Burnham, Jacob Latimore, Moe Dunford, Olwen Fouéré, Alice Krige, Jessica Allain

 

THEMA TUEURS I SAGA MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE

Le cas du Halloween 2018 fait école. Malgré une approche artistique et narrative très discutable, la suite tardive du classique de John Carpenter par David Gordon Green sert désormais d’exemple, comme le prouve de manière frappante ce Massacre à la tronçonneuse version 2022. Les ingrédients de mise pour un tel cocktail sont donc sagement réunis : 1) On ne tient compte que du premier film de la franchise, comme si tous les autres (suites, remakes, prequels, reboots) n’existaient pas. 2) Le tueur est maintenant un sexagénaire, ce qui n’enlève rien à sa virulence et son pouvoir de destruction. 3) Sa victime originelle s’est transformée en personnage badass à qui il ne faut pas chercher de noises. 4) Pourquoi perdre du temps à chercher un nouveau titre, reprenons celui du premier film ! Voilà qui n’augure rien de très réjouissant. Autre élément d’inquiétude : une diffusion directe sur la plateforme Netflix qui, à de rares exceptions près, ne brille pas par l’exigence éditoriale de ses contenus cinématographiques. Troisième facteur d’inquiétude : le renvoi des deux réalisateurs initiaux, Ryan et Andy Tohill, dont les rushes déplaisent au studio Legendary. David Blue Garcia (signataire du thriller Tejano) leur succède donc et reprend le tournage à zéro, sous la houlette du producteur Fede Alvarez (à qui nous devons le remake de Evil Dead).

Les premières images du film sont les mêmes que celles du Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper. Plus qu’un hommage, il s’agit presque d’une relecture post-moderne du classique de 1974, puisque nous sommes en présence d’un documentaire consacré aux faits sanglants survenus au Texas cinquante ans plus tôt. Ce programme est diffusé sur le téléviseur d’une boutique qui déploie un merchandising varié (t-shirts, goodies, tire-bouchons en forme de tronçonneuse !) autour de ce drame devenu célèbre. L’entrée en matière est savoureuse, prélude à l’arrivée de nos protagonistes : quatre citadins dans l’air du temps qui débarquent dans la région pour transformer Harlow, devenue une ville fantôme, en nouveau centre attractif et branché avec des restaurants, des boutiques et des galeries d’art. Bien sûr, le choc culturel avec la population locale est inévitable. Mais les vrais problèmes surviennent bien sûr lorsque ce bon vieux Leatherface refait son apparition, sa vrombissante tronçonneuse à la main…

Le boucher des vanités

D’une manière intéressante – et plutôt inattendue -, David Blue Garcia nous entraîne d’emblée sur un terrain moins manichéen qu’il n’y paraît. Il semblerait logique de s’attacher à ce quatuor d’amis sympathiques et idéalistes qui veulent changer le monde et par conséquent de mépriser les texans bourrus, racistes, pollueurs, à la gâchette facile, qu’ils trouvent sur leur chemin. Mais peu à peu les clichés volent en éclat et les cartes se brouillent. Ces jeunes entrepreneurs ne sont-ils pas des capitalistes vaniteux aux dents longues ? Les cowboys du coin se limitent-ils à l’image patibulaire qu’ils renvoient ? Ce n’est pas l’un des moindres atouts de ce Massacre à la tronçonneuse qui, lorsqu’il s’agit de mettre en scène les meurtres brutaux de Leatherface, n’y va pas avec le dos de la cuiller. Les mises à mort sont brutales et gore, avec un point culminant au moment de la séquence d’anthologie du film située dans un car. À cette approche radicale d’une violence décomplexée, que rythment des moments de suspense très réussis, Garcia ajoute une touche œdipienne qui nous ramène aux origines du mythe, autrement dit l’histoire vraie d’Ed Gein, et opère donc un rapprochement furtif avec Psychose. On regrette d’autant plus un dernier acte qui cède à toutes les facilités, s’autorise des comportements absurdes chez les protagonistes – mention spéciale à la Sally du film original, incarnée ici par Olwen Fouéré – ainsi que plusieurs rebondissements invraisemblables. On peut aussi grincer des dents face au rapport douteux que le scénario entretient avec les armes à feu, osant le grand écart entre le traumatisme réel des massacres lycéens et l’iconisation extrême d’un fusil devenu « le mal nécessaire ». Il n’en demeure pas moins que nous sommes ici en présence d’un slasher de très bonne facture, qui aurait largement mérité une sortie en salles et dont le défaut majeur est finalement de s’appeler Massacre à la tronçonneuse. Sans doute le film de David Blue Garcia aurait-il gagné à exister par lui-même, avec un nouveau croquemitaine indépendant, au lieu de se rattacher à une franchise qui a depuis trop longtemps le goût de la viande avariée.

 

© Gilles Penso


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