LE MONSTRE (1955)

Dans sa première aventure sur grand écran, le professeur Quatermass se confronte à un astronaute victime d’une terrible mutation…

THE QUATERMASS EXPERIMENT

 

1955 – GB

 

Réalisé par Val Guest

 

Avec Brian Donlevy, Richard Woodsworth, Margia Dean, Lionel Jeffries, Jack Warner, David King Wood, Thora Hird

 

THEMA MUTATIONS I SAGA QUATERMASS

Entre 1953 et 1959, le professeur Bernard Quatermass, un scientifique régulièrement confronté à des entités extra-terrestres et né de la plume de l’écrivain Nigel Kneale, vit des aventures palpitantes dans trois mini-séries télévisés à succès diffusées sur la BBC. Incarné tour à tour par Reginald Tate, John Robinson et André Morell, le vénérable savant devient une figure populaire de la culture britannique de l’époque. L’idée d’une adaptation cinématographique se concrétise à l’initiative de la compagnie de production Hammer Films, pas encore célèbre pour ses réinventions inventives des grands classiques de l’épouvante. À l’époque, la Hammer est surtout connue pour ses polars et ses drames à petits budgets. L’auteur Nigel Kneale est invité à reprendre le scénario de la première mini-série, The Quatermass Experiment, pour en tirer le script d’un long-métrage. Val Guest, qui est déjà un réalisateur expérimenté et éclectique (Le Démon de la danse, La Revanche de Robin des Bois, Rapt à Hambourg), est engagé pour réaliser le film. Si la production reste anglaise, le distributeur Robert L. Lippert suggère d’ajouter quelques têtes d’affiches américaines pour donner au film toutes ses chances sur le marché des États-Unis. Le rôle de Quatermass est donc confié au vétéran Brian Donlevy, tandis que Margia Dean intègre le casting pour incarner Judith Carroon, la femme de l’astronaute qui deviendra le « monstre » du titre français. Ces nouvelles têtes incitent Val Guest à retoucher le scénario, notamment pour adapter la personnalité du scientifique à celle de son interprète.

 

À la tête du British-American Rocket Group, Bernard Quatermass (Donlevy donc) supervise le lancement de la première fusée habitée dans l’espace. Mais peu de temps après le décollage, tout contact est perdu avec le vaisseau et avec ses trois occupants : Carroon, Reichenheim et Green. La fusée finit par revenir sur Terre en s’écrasant en rase campagne. Seul Carroon (Richard Woodsworth), en état de choc, sort de l’engin, balbutiant « Aidez-moi ». Ses deux compagnons de vol ont disparu sans laisser de trace. Dans l’hôpital où il est soigné, le survivant reste muet, figé, le visage de plus en plus rigide. Tandis que les médecins tentent de lui prodiguer les soins nécessaires, l’inspecteur Lomax (Jack Warner) de Scotland Yard enquête sur la disparition des deux autres astronautes. Or les empreintes qu’il relève n’ont rien d’humain. Et pendant ce temps, le corps de Carroon commence à subir une très inquiétante mutation…

La douleur tombée du ciel

Le principe de la métamorphose lente d’un protagoniste se défaisant peu à peu de tout ce qui fait son humanité est devenu classique, du Monstre qui vient de l’espace (qui reprend quasiment la trame de The Quatermass Experiment) à La Mouche en passant par Matango, mais il était encore neuf à l’époque du film de Val Guest. Son impact est accru par une approche sobre et réaliste, quasi-documentaire. Si le potentiel d’épouvante du film s’est fatalement amenuisé depuis les années 50, il n’en demeure pas moins un très efficace drame science-fictionnel qui inscrit son intrigue dans l’esprit de celles des séries La Quatrième dimension et Au-delà du réel. Le professeur Quatermass (très autoritaire, extrêmement nerveux), l’inspecteur de police (qui passe son temps à se raser), et l’infortuné astronaute (sorte de zombie pourtant très expressif) sont remarquablement interprétés et confèrent une touche supplémentaire de crédibilité au film. On note au passage un hommage direct au Frankenstein de James Whale lorsque le mutant se réfugie en rase campagne et rencontre une petite fille (jouée par Jane Asher, future petite amie de Paul McCartney dans les années 60). Au stade final de sa métamorphose, le monstre du titre, conçu par le créateur d’effets spéciaux Les Bowie, est un poulpe caoutchouteux (« une grosse éponge pourvue de tentacules » selon la description qu’en donne Stephen King dans son « Anatomie de l’Horreur »), d’une crédibilité toute relative, même si la brièveté de son apparition garantit l’efficacité de cette vision digne de Lovecraft. Ne se laissant nullement démonter par les conséquences catastrophiques de son expérience, Quatermass, plus opiniâtre que jamais, se contente d’affirmer en fin de métrage « Nous allons recommencer », comme si la science avec un grand S autorisait tous les sacrifices. Il reviendra en effet dans La Marque, Les Monstres de l’espace et The Quatermass Conclusion.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article