FROM HELL (2001)

Un policier doué d’un sixième sens enquête sur les atrocités commises par Jack l’éventreur dans le Londres du 19ème siècle…

FROM HELL

 

2001 – USA

 

Réalisé par Allen et Albert Hughes

 

Avec Johnny Depp, Heather Graham, Ian Holm, Robbie Coltrane, Ian Richardson, Jason Flemyng, Katrin Cartlidge, Terence Harvey, Susan Lynch, Paul Rhys

 

THEMA TUEURS

Après plusieurs clips musicaux, notamment pour le rappeur 2Pac, Allen et Albert Hughes se lancent dans le cinéma avec le très remarqué Menace to Society, suivi du thriller Génération sacrifiée. Pour leur troisième long-métrage, les duettistes se laissent tenter par une adaptation libre du roman graphique « From Hell » écrit par Alan Moore et dessiné par Eddie Campbell. Située dans le Londres du 19ème siècle, l’histoire tourne autour d’un inspecteur de police au flair quasiment surnaturel, Frederick Abberline, lancé sur la trace du redoutable Jack l’éventreur. Pour incarner cet enquêteur taciturne et ténébreux, plusieurs noms sont évoqués. Daniel Day Lewis, Sean Connery, Brad Pitt et Jude Law sont tour à tour envisagés, avant que le rôle ne soit finalement confié à Johnny Depp. From Hell mettra du temps à se monter financièrement, d’autant que les droits d’adaptation sont partagés par plusieurs studios jusqu’à ce que la Fox ne les récupère. C’est le 5 juin 2000 que le tournage commence enfin à Prague et ses environs. Le quartier du Whitechapel de 1888 est reconstitué dans un immense décor édifié sur les plateaux des studios Barrandov en République Tchèque.

La virtuosité et le sens de l’esthétisme des frères Hughes sautent aux yeux dès le plan-séquence d’ouverture de From Hell, qui balaie le célèbre quartier mal famé londonien, siège des miséreux, des prostituées et des malfrats. C’est donc au ras du bitume que se promène la caméra des duettistes et c’est au beau milieu de cette bassesse qu’elle pioche ses protagonistes. Un an après avoir jouée une James Bond Girl parodique dans le second Austin Powers, Heather Graham entre dans la peau de Mary Kelly, qui arpente le pavé en quête de clients et subit quotidiennement les affres de la misère comme ses comparses nocturnes. L’une de ses amies, Ann Crook (Joanna Page), ancienne prostituée, est aujourd’hui mariée à un riche peintre nommé Albert (Mark Dexter) et vient de donner naissance à la petite Alice. Ce pourrait être une lueur d’espoir. Mais Ann est enlevée, et dès lors un mystérieux assassin s’en prend aux prostituées du quartier qu’il massacre et mutile sans relâche. L’inspecteur Frederick Abberline (Johnny Depp) est chargé de l’investigation, mais ses méthodes non orthodoxes ne sont pas du goût de tout le monde. Régulièrement plongé dans les vapeurs d’opium, il se laisse guider par les visions qui l’assaillent. « Jadis, on brûlait vos semblables » lui dit le sergent Godley (Robbi Coltrane), l’accusant quasiment de sorcellerie. Il semble pourtant le seul capable de dénouer cette affaire sanglante…

« Un homme bien élevé ne ferait pas ça ! »

La violence permanente qui envahit le film s’exerce principalement sur les femmes : prostituées, filles sans le sou, indigentes de tous bords. Quant aux agresseurs, ce sont des proxénètes, des médecins, des notables, bref des mâles nantis bien heureux de marquer leur ascendance et leur domination avec brutalité. Jack l’éventreur ne semble finalement être rien d’autre qu’un composite de tous ces hommes violents, une version exacerbée et spectaculaire d’un mal plus insidieux. « Un homme bien élevé ne ferait pas ça » s’entend pourtant dire Abberline par les hautes autorités lorsqu’il tente d’établir le profil du tueur. « Aucun Anglais instruit, voyons ! » Pour mettre les meurtres en image, Allen et Albert Hughes rivalisent d’inventivité. Lors du premier de ces assassinats, la victime est agrippée jusque dans un recoin sombre, puis frappée dans une impasse noire par une lame dont on ne perçoit que le scintillement dans les ténèbres, avant que la caméra ne remonte le long du faciès grimaçant d’une sinistre gargouille. Plus tard, c’est un très étonnant plan-séquence elliptique qui joue sur les altérations de cadence de prise de vue pour montrer le tueur à l’œuvre puis l’arrivée de la police et des curieux. Dans cette reconstitution somptueuse et maussade du Londres famélique du 19ème siècle, le spectateur croise aussi John Merrick, le fameux Elephant Man jadis mis en scène par David Lynch. Neuf ans plus tard, les frères Hughes ajouteront avec Le Livre d’Eli une autre pièce majeure à leur filmographie surprenante.

 

© Gilles Penso


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