X (2022)

À la fin des années 70, le tournage d’un petit film porno dans une ferme du Texas se transforme en jeu de massacre…

X

 

2022 – USA

 

Réalisé par Ti West

 

Avec Mia Goth, Jenna Ortega, Brittany Snow, Scott Mescudi, Martin Henderson, Owen Campbell, Stephen Ure, James Gaylyn

 

THEMA TUEURS

Depuis ses débuts en 2005 avec The Roost, Ti West reste fidèle au cinéma d’horreur qu’il constelle de petites perles toujours réjouissantes et très souvent conçues comme de vibrants hommages aux classiques du genre produits dans les années 70 et 80. Nous lui devons notamment The House of the Devil, The Innkeepers, The Sacrament mais aussi plusieurs épisodes de Scream, Wayward Pines, L’Exorciste ou Them. Avec X, il nous prend une nouvelle fois par surprise, conduisant ses spectateurs sur un terrain visiblement familier pour mieux les désarçonner en cours de route. Le premier plan du film, cadré depuis l’embrasure d’une porte, donne l’illusion d’une image au format 4/3, comme pour assumer ouvertement l’influence des slashers à l’ancienne. Puis un lent mouvement de caméra avance en élargissant progressivement le cadre jusqu’au 16/9. Sans ostentation, Ti West nous annonce ainsi que le cadre familier de X réserve des surprises et se nourrira de l’essence des films d’horreur « old school » tout en les revisitant sous un jour nouveau. Au cours de ce prologue intriguant, un groupe de policiers fait une découverte macabre dans une vieille maison isolée de la campagne texane. Leurs regards sont éloquents mais nous n’en savons pas plus. Puis le scénario rembobine pour nous raconter les événements survenus 24 heures plus tôt.

Nous sommes en 1979. Alors que l’industrie du cinéma pour adultes est en plein boom, une petite équipe indépendante décide de tourner son propre film X avec les moyens du bord, dans l’espoir de s’engouffrer dans une vague prometteuse pour leur carrière, leur reconnaissance et leurs finances. Le producteur Wayne (Martin Henderson), le réalisateur RJ (Owen Campbell), l’assistante Lorraine (Jenna Ortega) et les trois comédiens Maxine (Mia Goth), Bobby-Lynne (Brittany Snow) et Jackson (Scott Mescudi) s’embarquent donc dans un road trip qui les emmène jusque dans l’Amérique profonde. Là, contre une poignée de dollars, ils s’installent dans la propriété rurale d’un couple de vieux texans patibulaires et commencent à tourner « The Farmer’s Daughters ». Le malaise s’installe progressivement par petites touches (les images récurrentes du prédicateur qui harangue les foules à la télévision, le cadavre d’une vache étripée suite à une collision avec un poids-lourd, le vieux couple sinistre) mais l’ambiance reste bon enfant. Toute l’imagerie familière est par ailleurs convoquée : le petit groupe de jeunes réunis dans un van, les grandes routes texanes, les stations-service à l’abandon. L’influence de Massacre à la tronçonneuse est manifeste, jusque dans la topographie de la maison principale…

La ferme de la terreur

 « Comment est le scénario ? » demande le producteur du petit film X à son actrice principale vers le début du film. « Est-ce que ça a vraiment une quelconque importance ? », répond-elle. « Personne ne vient voir ce film pour l’intrigue » dira plus tard l’assistante du réalisateur. Les deux jeunes femmes affirment ainsi explicitement que l’histoire de leur long-métrage importe peu dans la mesure où les codes du genre sont respectés (en l’occurrence ceux d’un film porno). Dans un premier temps, nous serions tentés d’en dire autant vis-à-vis du film de Ti West lui-même. Tout n’est finalement que prétexte à concocter un bon petit film d’horreur. Si ce n’est que l’abondance de clichés accumulés pendant le premier acte de X ne nous mène pas forcément là où l’on croit. Les archétypes s’effacent peu à peu, une touche de mélancolie inattendue finit même par s’installer. Car le tournage de ce film pornographique n’est pas un simple prétexte scénaristique. Le sexe, le désir, l’attirance et l’image du corps sont les moteurs de l’intrigue, ceux qui motivent les comportements des personnages et finissent par expliquer le festival d’atrocités qui surviennent à mi-parcours du métrage. Inventif en diable, Ti West multiplie les idées de montage surprenantes. Les péripéties s’enchaînent parfois via une répétition successive de plans très courts, comme si la scène précédente bégayait un peu avant de céder le pas à la suivante. D’autres fois, les séquences du film sont montées en parallèle avec celles du « film dans le film », provoquant un troublant effet de miroir. Le cinéaste s’autorise aussi quelques ruptures de ton audacieuses qui permettent par exemple de transformer subitement une séquence de meurtre graphique ultra-sanglante en moment de grâce étrangement poétique. X est donc une nouvelle réussite à mettre au compte de Ti West, qui enchaîna presque immédiatement son tournage avec celui d’une prequel titrée Pearl.

 

© Gilles Penso


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