ABUELA (2021)

Une jeune femme qui démarre une carrière de mannequin à Paris est contrainte de rentrer en Espagne pour s’occuper de sa grand-mère malade…

LA ABUELA

 

2021 – ESPAGNE / FRANCE

 

Réalisé par Paco Plaza

 

Avec Alumdena Amor, Vera Valdez, Karina Kolokochykova, Alba Bonnin, Chacha Huang, Pablo Guisa Koestinger, Ileana Wilson, Marina Gutiérrez

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Paco Plaza s’est fait connaître du grand public en même temps qu’une nouvelle génération de cinéastes espagnols amoureux du fantastique et de l’horreur. Après une série de courts-métrages, il signe Les Enfants d’Abraham, L’Enfer des loups, puis crève l’écran en co-réalisant [Rec] et [Rec]2 avec Jaume Balaguero. Si son œuvre a moins d’aura que celle de son complice, il persévère dans le genre avec notamment [Rec]3 et Veronica. Et puis soudain, alors qu’il se faisait discret (son thriller Eye for an Eye n’ayant pas eu l’honneur d’une distribution en nos contrées), notre homme revient en force avec Abuela, redynamisant non seulement sa carrière mais aussi le cinéma d’horreur ibérique tout entier, lequel commençait à s’essouffler un peu. Abuela est sans conteste l’un de ses films les plus aboutis, préférant à l’horreur directe une approche beaucoup moins frontale. À travers une mise en scène subtile, toute en retenue, Plaza décide ainsi de laisser beaucoup de choses cachées dans le sous-texte, entre les lignes, pour mieux provoquer la peur. Une peur insidieuse, loin des « jump-scares » faciles. Tourné en août 2020, Abuela aura mis beaucoup de temps à se frayer un chemin jusqu’aux salles de cinéma, l’épidémie du Covid 19 ayant tout chamboulé. Mais l’attente des spectateurs fut largement récompensée.

L’entrée en matière du film est intrigante : une vieille femme, une montre qui s’arrête, un cadavre, une fille nue, une chanson sirupeuse… Rien ne permet au départ de comprendre à quoi nous avons affaire. Puis le film nous emmène à Paris, où Susana (Alumdena Amor) commence à percer dans le cercle très fermé du mannequinat de mode. Sur le point de se préparer à une séance photo qui pourrait bien faire décoller sa carrière, elle reçoit un coup de fil urgent. Sa grand-mère Pilar (Vera Valdez) vient d’être victime d’une attaque. Désormais muette, elle n’est plus autonome. Susana quitte donc la France en catastrophe, rentre à Madrid et s’installe avec sa grand-mère dans la maison où elle a passé toute son enfance. Refusant de placer Pilar dans une maison de retraite, elle se met en quête d’une aide à domicile. Mais la perle rare n’est pas facile à trouver. En attendant, elle va devoir cohabiter avec cette vieille femme prostrée au comportement de plus en plus étrange…

Les Grands Anciens

L’inquiétude s’installe lentement dans Abuela, à travers de petites touches insolites et bizarres. Tout pourrait être imputable à la sénilité et à l’état de santé fragile de la grand-mère. Mais le doute finit par s’immiscer de manière lancinante.  Il y a ces cauchemars angoissants qui n’en sont peut-être pas, ces conversations à voix basse de Pilar avec des interlocuteurs invisibles, ces crises de rire intempestives, ces disparitions et réapparitions soudaines… Notre héroïne est-elle en train de devenir paranoïaque ? A-t-elle raison de se méfier de cette jeune femme venue de nulle part (Karina Kolokochykova) qui prétend connaître sa grand-mère depuis longtemps ? L’aliénation dont elle est victime rappelle la fameuse « trilogie de l’enfermement » de Roman Polanski (Répulsion, Rosemary’s Baby et Le Locataire). Le huis-clos dans lequel s’installe l’intrigue n’y est pas étranger. Une autre source d’inspiration nous vient à l’esprit : la nouvelle « Mémé » de Stephen King, avec laquelle le scénario d’Abuela présente plusieurs points communs. On y décèle aussi cette peur inavouable de la vieillesse, cette crainte de voir nos anciens se transformer progressivement en créatures étrangères, mystérieuses et inquiétantes. Chaque fois que Susana croise dans la rue cette affiche publicitaire sur laquelle elle pose avec une beauté arrogante, ce n’est pas seulement sa carrière qu’elle voit s’éloigner à grand pas… C’est aussi sa jeunesse. Et le scénario de s’acheminer vers sa chute inéluctable, d’une noirceur et d’un cynisme étourdissants. Ce coup de maître aura permis à Paco Plaza de remporter le prix du jury du Festival du Film Fantastique de Gérardmer en 2022.

 

© Gilles Penso


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