L’HOMME LÉOPARD (1943)

Après La Féline et Vaudou, le réalisateur Jacques Tourneur signe un nouveau chef d’œuvre d’épouvante atmosphérique…

THE LEOPARD MAN

 

1943 – USA

 

Réalisé par Jacques Tourneur

 

Avec Dennis O’Keefe, Margo, Jean Brooks, James Bell, Isabel Jewell, Ben Bard, Margaret Landry, Abner Biberman

 

THEMA MAMMIFÈRES

Comme son titre le laisse imaginer, L’Homme léopard, troisième collaboration entre le producteur Val Lewton et le metteur en scène Jacques Tourneur, aborde les mêmes thématiques que La Féline, notamment la bestialité qui réside en chacun de nous, même si l’approche et le traitement sont ici très différents. S’inspirant du roman « Black Alibi » de Cornell Woolrich, Tourneur et ses scénaristes situent l’intrigue dans une petite ville mexicaine. « The Leopard Man » est d’abord le surnom d’un forain qui accepte de louer les services de sa magnifique panthère noire au publicitaire Jerry Manning, soucieux de faire remonter la cote de Kiki Walker, vedette de night-club un peu éclipsée par ses concurrentes, notamment la danseuse de flamenco Clo-Clo. La jeune femme se rend donc au club avec le bel animal en laisse, sous le regard pantois de l’assistance. Mais le fauve s’échappe bientôt et, peu après, une pauvre fille est découverte déchiquetée. Le massacre est attribué au léopard, et Manning est mis hors de cause. Mais d’autres carnages similaires ensanglantent la bourgade, et le doute finit par s’installer : s’agit-il toujours des méfaits de l’animal, ou sont-ce les crimes d’un esprit détraqué se prenant lui-même pour un prédateur carnassier ?

Ainsi l’animalité ne prend-elle plus ici les atours d’une malédiction ancestrale et surnaturelle mais ceux d’une maladie mentale schizophrénique. Le scénario emprunte dès lors les mécanismes du whodunit (parmi les protagonistes du drame, qui est « l’homme léopard » ?) sans s’adonner pour autant à ses tics et ses manies. Le film réserve du coup son lot de surprises et se pare de scènes d’épouvante absolument prodigieuses. La plus mémorable d’entre elles concerne la première victime, une jeune fille obligée de traverser un tunnel sombre en pleine nuit et surprise par le bruyant passage d’un train (réminiscence du tramway de La Féline), avant d’apercevoir deux points lumineux dans les ténèbres. Sans excès, sans trucage ni violence, l’horreur viscérale atteint ici son paroxysme, preuve de l’indéniable talent de Jacques Tourneur en ce domaine.

La trilogie de la terreur

Plus tard, une autre séquence de terreur porte le sceau du cinéaste. Une nouvelle jeune femme, enfermée dans un cimetière au milieu de la nuit, voit soudain des branchages bouger dans sa direction, prélude d’une attaque fulgurante. On trouve ainsi dans L’Homme léopard toutes les qualités récurrentes de l’œuvre commune de Lewton et Tourneur, notamment des acteurs solides, une photo noir et blanc splendide et une bande son très travaillée, support privilégié des effets d’épouvante. La musique de Roy Webb, quant à elle, tisse des variantes autour des sonorités sud-américaines, notamment les castagnettes qui accompagnent pas à pas la fameuse Clo-Clo. Pour la petite histoire, la panthère noire qui sévit dans le film, et qui portait le doux nom de Dynamite, est la même que celle qui jouait dans La Féline. Le duo Val Lewton/Jacques Tourneur se sépara hélas après ce nouveau chef d’œuvre de l’épouvante, chacun œuvrant dès lors de son côté sans jamais retrouver l’alchimie de l’exceptionnelle trilogie La Féline, Vaudou et L’Homme léopard.

 

© Gilles Penso


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