STAY (2005)

Ewan McGregor incarne un psychiatre qui, en cherchant à sauver la vie d’un patient suicidaire, se retrouve plongé dans un univers fantasmagorique…

STAY

 

2005 – USA

 

Réalisé par Marc Forster

 

Avec Ewan McGregor, Naomi Watts, Ryan Gosling, Janeane Garofalo, B.D. Wong, Bob Hoskins, Elizabeth Reaser

 

THEMA MORT

Marc Forster est un cinéaste adepte d’éclectisme, capable de passer en un clin d’œil d’un drame campagnard axé sur le racisme et l’intolérance (À l’ombre de la haine) à une biographie romancée du créateur de Peter Pan (Neverland). Avec Stay, il s’essaie donc à un nouveau genre, le thriller psychologique fortement teinté de fantastique. Ewan McGregor y incarne Sam Foster, un brillant psychiatre new-yorkais qui, suite à l’arrêt maladie prolongé d’une de ses collègues, hérite d’un patient pour le moins étrange. Ce dernier, Henry Letham (Ryan Gosling), est un étudiant en art taciturne qui semble pouvoir prédire le futur et annonce sans sourciller qu’il se donnera la mort samedi prochain à minuit, le soir de ses 21 ans. Sa démarche semble dictée par celle d’un artiste peintre français, Tristan Rêveur, qui décrivait le suicide comme l’œuvre d’art ultime. Bouleversé, Sam va tout faire pour empêcher son jeune patient de passer à l’acte. Mais plus le psychiatre plonge dans le subconscient d’Henry, plus sa propre vie va vaciller sur ses propres bases, y compris sa relation avec Lila (Naomi Watts), une artiste qui fut jadis sa patiente.

Au fur et à mesure de sa quête, Sam fait des rencontres de plus en plus curieuses, dans un Manhattan qu’il reconnaît de moins en moins, jusqu’à ce que sa propre personnalité ne finisse par se confondre avec celle de Henry. A mi-chemin entre les expérimentations d’Alain Resnais, Michel Gondry et David Lynch, Forster bâtit dans Stay un univers dont l’étrangeté est immédiatement assumée. Tous les départements artistiques du film se donnent le mot pour participer à l’unisson à ce décollement progressif de la réalité, des décors aux costumes en passant par la photographie, la bande son et les très nombreux effets spéciaux visuels. Les protagonistes franchissent en quelques secondes des lieux censés être séparés de plusieurs kilomètres, les morts semblent revenir à la vie, les mêmes séquences se répètent sans le moindre respect de la continuité narrative traditionnelle, les personnages ont des comportements étranges, des ellipses vertigineuses scandent le récit…

Les trois pièces du puzzle

Avec une minutie perfectionniste, le cinéaste assemble ainsi son puzzle, sans toutefois perdre en cours de route ses spectateurs qui, intrigués, s’efforcent de collecter tous les indices à leur disposition afin de comprendre le fin mot de l’histoire. Mais ce n’est qu’au cours de la toute dernière séquence que le tortueux scénario de David Benioff livre enfin toutes ses clefs, en un coup de théâtre final habile et gratifiant qui cultive l’effet de surprise tout en s’avérant franchement émouvant. Ce bel exercice de style, qui place au cœur de ses questionnements la perception de la réalité et la nature de l’identité, profite du charisme indéniable de ses deux comédiens vedettes : Ewan McGregor, s’efforçant de conserver intact son cartésianisme malgré la tournure surréaliste que prennent les événements, et Naomi Watts, qui semble marcher sur le fil d’un rasoir malgré son apparente sérénité. Mais dans Stay, c’est surtout Ryan Gosling qui crève l’écran. Révélé dans des œuvres telles que Danny Balint et Le Plus beau des combats, la future star de La La Land et Blade Runner 2049 s’avère multi-facettes, véhiculant tour à tour la fragilité, la menace, la folie et la quête de rédemption.

 

© Gilles Penso


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