LA CONQUÊTE DE LA PLANÈTE DES SINGES (1972)

Jack Lee Thompson met en scène la révolte brutale des singes contre les humains dans une cité totalitaire…

CONQUEST OF THE PLANET OF THE APES

 

1972 – USA

 

Réalisé par Jack Lee Thompson

 

Avec Roddy McDowall, Don Murray, Ricardo Montalban, Natalie Trundy, Severn Darden, Hari Rhodes, Lou Wagner, John Randolph

 

THEMA SINGES I VOYAGES DANS LE TEMPS I FUTUR I SAGA LA PLANÈTE DES SINGES

Avant même que Les Évadés de la planète des singes ne sorte sur les écrans, La Conquête de la planète des singes entrait déjà en production, preuve de la confiance portée à cette franchise en termes de bénéfices potentiels. Pour autant, l’équilibre financier du studio 20th Century Fox est encore fragile, plusieurs échecs successifs – dont le flop spectaculaire de Cléopâtre – l’ayant mis à mal. Du coup, le budget alloué à ce quatrième opus de la saga inspirée par Pierre Boulle est encore plus réduit que ceux des deux films précédents. C’est avec 1,7 million de dollars à peine qu’il va falloir raconter le récit épique de la révolte des singes contres les humains dans une cité totalitaire futuriste. Pour mettre toutes les chances de son côté, le producteur Arthur P. Jacobs sollicite cette fois-ci le réalisateur Jack Lee Thompson, qu’il connaît depuis son premier long-métrage Madame Croque-maris et à qui il souhaitait confier tous les épisodes de la saga dès le premier Planète des singes. Mais des incompatibilités de planning empêchèrent jusqu’alors à Thompson de se libérer. Habitué aux films d’action solides et virils (Les Canons de Navarone, Les Nerfs à vif), Thompson se rend enfin disponible et apporte sa patte à la saga. Pour éviter de trop grosses dépenses, la majorité de l’action est filmée dans le quartier moderne de Century City, à Los Angeles, redécoré pour l’occasion et prolongé par des peintures sur verre de Matthew Yuricich. Des économies drastiques sont également rendues possibles en empruntant au producteur Irwin Allen de nombreux accessoires issus de ses séries TV de science-fiction, notamment les combinaisons futuristes de Voyage au fond des mers, les ordinateurs de bord d’Au cœur du temps et le mobilier de Land of the Giants.

L’intrigue de La Conquête de la planète des singes se situe en 1991, soit dix-huit ans après les événements racontés dans Les Évadés de la planète des singes. Après la mort de Zira et Cornelius, leur bébé chimpanzé a été élevé par le directeur de cirque Armando (Ricardo Montalban). Désormais adulte, ce singe intelligent (qui s’appelait Milo dans le film précédent mais porte désormais le nom de César, pour une raison que le scénario n’explique pas) cache sa capacité à parler et se retrouve plongé dans un monde dictatorial où les primates sont réduits en esclavage par l’humanité. Une décennie plus tôt, un virus a tué tous les chiens et chats sur Terre. Les singes les ont donc remplacés comme animaux domestiques, avant de se muer progressivement en serviteurs serviles maltraités et exploités sans scrupule. Révolté par le sort que subissent ses semblables, César communique son savoir et ses aptitudes aux autres singes afin de préparer une insurrection contre la race humaine…

Le poil de la bête

Fonçant tête baissée dans une voie qu’entrouvrait le film précédent, La Conquête de la planète des singes se veut le reflet des préoccupations sociales de son époque. Il est difficile de ne pas lire entre les lignes du scénario de Paul Dehn une métaphore du racisme, de l’esclavagisme et du combat pour les droits civiques des citoyens les plus défavorisés. Les émeutes de Watts, survenues à Los Angeles en 1965, sont encore récentes et font naturellement écho à cette relecture simiesque de Spartacus. Cet aspect est sans conteste le plus fascinant du film. On sent bien que La Conquête de la planète des singes n’a pas les moyens de ses ambitions, restreignant son action dans un nombre trop limité de décors pour évoquer pleinement un soulèvement planétaire des singes contre les humains. Mais la brutalité de la mise en scène de Jack Lee Thompson et la dureté somme toute très compréhensible du comportement de César (loin du maniérisme charmant de son père Cornelius, incarné lui aussi par Roddy McDowall) muent le film en allégorie sans concession renvoyant aux humains le reflet de leurs propres turpitudes. Ce quatrième opus est certainement le plus violent de la franchise. De nombreuses séquences de meurtres, de blessures sanglantes et de lynchage furent cependant coupées au montage pour éviter d’offusquer la censure. Le discours final de César lui-même fut considérablement adouci, troquant une impitoyable chasse aux humains contre un appel à la compassion et à la magnanimité.

 

© Gilles Penso


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