LE NEUVIÈME CŒUR (1979)

Un étudiant sans le sou se lance dans une quête semée de danger pour libérer une jeune femme des griffes d’un vil alchimiste…

DEVÁTÉ SRDCE

 

1979 – TCHÉCOSLOVAQUIE

 

Réalisé par Juraj Herz

 

Avec Ondrej Pavelka, Anna Malova, Julie Juristova, Josef Kemr, Juraj Kukura, Frantisek Filipovsky, Premysl Koci, Josef Somr

 

THEMA CONTES

Le Neuvième cœur est le quatorzième long-métrage de Juraj Herz, un prolifique cinéaste tchèque formé à la photographie et à la mise en scène théâtrale qui alterne depuis le milieu des années 60 films et téléfilms. Ce conte de fées traditionnel, réalisé dans la foulée d’une relecture de La Belle et la Bête que Herz signa la même année (les deux tournages furent quasiment simultanés), Le Neuvième cœur donne la vedette à Martin (Ondrej Pavelka), un jeune étudiant sans le sou qui sympathise avec une troupe d’artistes de rue et notamment avec Toncka (Anna Malova), la fille d’un marionnettiste. Jeté en prison après avoir invité tous les saltimbanques à un fastueux déjeuner sans être capable de payer le restaurateur, il s’évade peu après mais le Grand-Duc (Premysl Koci) a juré sa perte. Effectivement, après une poursuite échevelée où Martin tente d’échapper aux gendarmes à travers le marché (aidé par le lanceur de couteaux, la montreuse de serpents et les comédiens), il tombe entre leurs griffes. Acculé, Martin tente le tout pour le tout : il propose au Grand-Duc de libérer sa fille, la belle princesse Adriena (Julie Juristova), de la terrible malédiction qui pèse sur elle. Huit vaillants gentilshommes ont tenté l’aventure avant lui et aucun n’est jamais revenu, mais Martin a-t-il vraiment le choix ?

Désormais hôte du palais royal, notre étudiant se lie d’amitié avec le bouffon de la cour (Frantisek Filipovsky), dont le maquillage n’est pas sans évoquer le diable du Faust de Murnau. Ce dernier lui propose de l’aider dans sa quête. Un soir, enveloppés dans un manteau magique qui les rend invisibles, Martin et le bouffon suivent la princesse, qui emprunte un bateau et traverse un fleuve, accompagnée par deux hommes aux allures de croque-morts blafards, tels deux nochers des Enfers ramant sur le Styx (la scène annonce d’ailleurs l’une des péripéties du Choc des Titans). Repéré, le bouffon est emmené dans un sinistre château où est organisé un grand bal décadent. Les invités, tous blafards, y ressemblent plus à des cadavres qu’à des vivants. C’est Aldobrandini (Juraj Kukura), l’ancien alchimiste du Grand-Duc, qui tire les ficelles de cette mascarade. Grâce à une essence recueillie dans le tombeau des pharaons, il vit depuis 300 ans. En la mélangeant avec l’extrait des cœurs qu’il a volés, il obtiendra un élixir lui donnant la vie éternelle. Et bien sûr, il compte épouser Adriena pour couronner son triomphe…

Poésie macabre

Très jolie réussite formelle, qui évoque parfois le Pinocchio de Comencini, Le Neuvième cœur bénéficie d’une direction artistique impeccable témoignant de l’exceptionnel savoir-faire de Juraj Herz en ce domaine, comme en témoignent par exemple ce magnifique décor de la salle du temps (orné d’une forêt de cierges, d’un grand escalier et d’un gigantesque mécanisme d’horlogerie) ou encore ces images exagérément filtrées à l’intérieur du château du Grand-Duc, comme si la vie s’y était figée dans du coton ou de la naphtaline. Cette relecture très personnelle des « Contes nocturnes » d’E.T.A Hoffman n’a décidément rien d’une traditionnelle fable pour enfants, véhiculant même une atmosphère sinistre avec laquelle les jeunes spectateurs occidentaux n’étaient guère familiers. D’ailleurs, la décomposition finale du méchant nous ramène directement aux classiques de la Hammer (on pense bien sûr au climax du Cauchemar de Dracula). Le Neuvième cœur déborde donc d’idées visuelles et de poésie, même si son scénario linéaire, ses péripéties faibles et son rythme assez languissant jouent fatalement en sa défaveur.

 

© Gilles Penso


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