SEIZURE, LA REINE DU MAL (1974)

Le premier long-métrage d’Oliver Stone met en scène un écrivain hanté par trois personnages diaboliques de son invention…

SEIZURE !

 

1974 – USA

 

Réalisé par Oliver Stone

 

Avec Jonathan Frid, Martine Beswick, Joe Sirola, Christine Pickles, Hervé Villechaize, Anne Meecham, Roger de Koven

 

THEMA RÊVES

En 1967, le jeune Oliver Stone décide de s’engager dans l’armée. Il a alors 21 ans et ce qu’il va découvrir de la guerre du Vietnam aura un impact crucial sur son œuvre à venir. Après sa démobilisation, il s’intéresse au cinéma et fait deux rencontres déterminantes : Lloyd Kaufman, le fondateur de la compagnie Troma, et Martin Scorsese. Si son court-métrage de fin d’études, le très remarqué Last Year in Viet Nam, annonce déjà plusieurs de ses longs-métrages importants, ses premiers pas dans la mise en scène officielle et commerciale se déroulent dans le cadre d’une série B d’épouvante maladroite mais fascinante portant le nom évocateur de Seizure, la reine du mal. Le tournage se déroule dans des conditions très précaires. Le décor principal – qui sert aussi de logement pour l’équipe et les acteurs – est une maison au bord d’un lac au Québec dont les bruits de plomberie provoquent de sérieux problèmes pendant la prise de son des séquences de dialogues. Les extérieurs naturels atteignent de telles températures que les acteurs Mary Woronov et Troy Donahue manquent de geler sur place pendant des scènes de poursuite nocturne ou de saut dans un lac. Bref, c’est un tournage assez folklorique. Certaines rumeurs laissent par ailleurs entendre que l’un des producteurs est un gangster ayant investi dans le film pour blanchir de l’argent recherché par le FBI !

 

C’est donc dans une atmosphère très particulière que se réalise Seizure, la reine du mal, baptême du feu d’Oliver Stone portant ici – comme souvent par la suite – la double casquette de réalisateur et de scénariste. Ce récit d’épouvante teinté de sadisme s’intéresse à Edmund Blackstone (Jonathan Frid), un écrivain spécialisé dans les romans horrifiques dont l’activité littéraire annonce celle – bien réelle – de Stephen King. Notre homme est perturbé par un cauchemar récurrent dans lequel trois personnages sinistres issus de son imagination prennent vie sous ses yeux : le bourreau colossal Jackal (Henry Baker, Istvan dans la série Dark Shadows), le nain diabolique Spider (Hervé Villechaize, le Nick Nack de L’Homme au pistolet d’or et le Tattoo de L’Île fantastique) et la cruelle Seizure (Martine Beswick, inoubliable héroïne de Femmes préhistoriques et Docteur Jekyll et Sister Hyde). Alors qu’il a réuni quelques amis autour de lui dans le cadre jovial d’une accueillante maison de campagne, Blackstone découvre avec horreur que son rêve prend corps et que le trio infernal fait irruption dans sa vie…

3 From Hell

Il faut prendre Seizure pour ce qu’il est, c’est-à-dire un galop d’essai qui ne se prive ni de maladresses (la mise en scène n’est pas d’une grande finesse), ni de confusion (le scénario prend rapidement une tournure très chaotique). Mais il y a Martine Beswick, et sa présence vaut à elle seule le visionnage du film. En digne héritière de Barbara Steele, elle incarne le mal à l’état pur, égayant quelques séquences sanguinaires de son envoûtante présence. « J’ai toujours préféré jouer les personnages maléfiques plutôt que les victimes », nous avoue-t-elle. « A l’écran, j’ai commis un nombre incalculable de meurtres et d’actes sanglants ! Être une méchante est beaucoup plus drôle qu’être une héroïne gentille et innocente. A l’époque, on me surnommait d’ailleurs “Battling Beswick“ parce que j’avais souvent des scènes de bagarre. » (1) Dans Seizure, elle s’en donne à cœur joie, étranglant un jeune homme dans son lit en affichant un redoutable sourire, ou encore obligeant Blackstone à affronter l’une de ses amies à coups de couteau. « C’était passionnant de tourner dans le tout premier long-métrage d’Oliver Stone », nous confie-t-elle. « Nous étions assez proches pendant le tournage, et j’ai pu déjà entrevoir le génie de cet homme. Mais le tournage du film n’était pas de tout repos. Les incidents n’ont pas arrêté de se multiplier. Le spécialiste des maquillages spéciaux a quasiment sombré dans la démence du jour au lendemain. Même chose pour l’acteur Hervé Villechaize, l’homme le plus charmant du monde qui, soudain, est devenu fou furieux sans raison. C’est comme si la folie dont parlait le film finissait par déteindre sur nous. » (2) Voilà sans doute ce qui explique en partie l’ambiance si particulière – sulfureuse et claustrophobique – qui se dégage du film. Stone allait enchaîner avec un autre film d’horreur, La Main du cauchemar, avant de se pencher sur des récits plus personnels.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en juin 2019

 

© Gilles Penso


Partagez cet article