DOCTEUR JEKYLL ET SISTER HYDE (1971)

Mister Hyde change de sexe dans cette adaptation très audacieuse du classique de Louis Stevenson

DOCTOR JEKYLL AND SISTER HYDE

1971 – GB

Réalisé par Roy Ward Baker

Avec Ralph Bates, Martine Beswick, Gerald Sim, Lewis Fiander, Susan Brodrick, Dorothy Allison, Tony Calvin, Ivor Dean

THEMA JELYLL ET HYDE

Surpenant et inventif, le scénario que Brian Clemens (auteur de Chapeau melon et bottes de cuir) concocta pour Docteur Jekyll et Sister Hyde l’est au-delà de toute espérance. Non seulement le docteur Henry Jekyll (Ralph Bates), au lieu de se muer en brute simiesque, se change en superbe créature féminine (Martine Beswick), mais en plus son histoire se mêle étroitement à celle des profanateurs de sépulture Burke et Hare (issus d’un autre roman de Robert Louis Stevenson, « Le Pourvoyeur de Cadavres » écrit en 1887) et à celle de Jack l’éventreur. En effet, en découvrant que ses métamorphoses nécessitent un surplus d’hormones féminines, Jekyll fait appel aux deux résurrectionnistes afin qu’ils l’approvisionnent en cadavres de femmes fraîchement enterrés. Lorsque ces derniers sont finalement lynchés par une foule en colère, il décide lui-même de se procurer les corps nécessaires à ses expériences. Pour ce faire, il prend la forme séduisante de son alter-ego – qu’il baptise Sister Hyde pour faire croie à son entourage qu’il s’agit de sa propre sœur – et assassine quelques prostituées dans le quartier de Whitechapel.

Comme toujours depuis qu’elle fut révélée dans Bons baisers de Russie, Martine Beswick est d’une ensorcelante beauté, notamment lorsqu’elle se contemple face à un miroir pour la première fois. Elle présente en outre de troublantes ressemblances physiques avec Ralph Bates, dont elle symbolise les mauvais penchants, preuve que le casting fit l’objet d’un soin particulièrement attentif. A l’origine pourtant, c’est Caroline Munro, autre troublante beauté sous contrat chez la Hammer (et héroïne de Capitaine Kronos), qui fut pressentie pour le rôle. Mais celle-ci déclina la proposition, quelque peu rebutée par la nécessité de se dévêtir au cours du film. Car dès qu’elle atteint son autonomie – sa maturité sexuelle ? – l’irrésistible Sister Hyde commence à séduire son beau voisin, que visiblement Jekyll désirait secrètement, en une subtile allusion à l’homosexualité refoulée d’un savant décidément pas très catholique. 

Un film transgenre ?

« Pour être honnête, la première fois que j’ai entendu parler de ce film j’ai éclaté de rire », avoue Martine Beswick. « Je trouvais le titre et le concept totalement ridicules. Mais comment refuser un film Hammer ? J’ai donc rencontré le scénariste Brian Clemens, que je ne connaissais pas, et j’ai lu le script. Cette idée m’a finalement emballée. Nous étions alors loin de nous douter que de nombreuses décennies plus tard, ce sujet de la porosité entre les sexes serait autant d’actualité. Docteur Jekyll et Sister Hyde était en fait un film transgenre sans le savoir ! » (1) Le film s’inscrit ainsi dans la mouvance d’autres œuvres du studio mixant à l’époque épouvante et érotisme, notamment le fameux The Vampire LoversLes recherches pour séparer le bien et le mal, décrites dans le roman de Stevenson, ont ici fait place à des expériences sur l’immortalité. Fort de cette nouvelle idée, chaque élément du scénario s’organise savamment en un tout cohérent. Jusqu’à un final brutal où Jekyll se sacrifie en se mutilant… et se mue en affreux cadavre hybride et hermaphrodite. Bref, voilà un bel exercice de renouvellement et de recyclage des vieux mythes, discipline dans laquelle la Hammer s’est fait une spécialité depuis la fin des années 50. Pour l’anecdote, Ralph Bates rencontra sa future épouse Virginia Wetherell sur le tournage, celle-ci incarnant une prostituée qu’il s’apprête à occire !

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en juin 2019

© Gilles Penso

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