LA RÉSIDENCE (1969)

Dans ce classique du cinéma d’épouvante espagnol, un tueur mystérieux rôde dans les couloirs d’un pensionnat pour jeunes filles du sud de la France…

LA RESIDENCIA

 

1969 – ESPAGNE

 

Réalisé par Narciso Ibbañez-Serrador

 

Avec Lilli Palmer, Christina Galbo, John Moulder-Brown, Mary Maude, Candida Losada, Tomas Blanco, Pauline Challoner

 

THEMA TUEURS

La Résidence est un film espagnol, mais il aurait tout aussi bien pu être italien tant il s’inscrit dans la mouvance des meilleurs « giallos » des années 60. Il fait d’ailleurs écho aux plus belles œuvres de Mario Bava, Six femmes pour l’assassin en tête, et annonce plusieurs travaux de Dario Argento, notamment Suspiria et Phenomena qui réutiliseront plusieurs composantes de son scénario. L’intrigue se situe dans un pensionnat pour jeunes filles du sud de la France, mené avec autorité par Madame Fourneau (Lili Palmer), une directrice aux méthodes rigoristes qui développe des relations étranges avec ses pensionnaires et voue à son fils de quinze ans un amour extrêmement possessif. En guise de bras droit, Madame Fourneau dispose d’Irene (Mary Maude), une étudiante zélée qui profite de son autorité pour assouvir ses pulsions douteuses et organiser au sein de l’institut de véritables gangs encouragés à la délation et aux expéditions punitives. Cet univers trouble – à travers lequel on peut volontiers lire une métaphore du régime politique répressif de Franco – nous est décrit à travers les yeux de Theresa (Cristina Galbo), une jeune fille de dix-huit ans qui vient d’intégrer l’établissement.

L’épouvante s’immisce progressivement dans ce cadre rigide, via une atmosphère sourde, tendue et moite. Très tôt, les notions d’inceste, d’homosexualité féminine et de sadomasochisme s’insinuent discrètement mais sûrement, tandis que le vernis de l’hypocrisie craque peu à peu. La première séquence éprouvante est celle d’une pensionnaire désobéissante fouettée avec complaisance par trois de ses camarades, sous le regard froid de la directrice agitée par des sentiments contraires. Peu après, c’est un tueur mystérieux qui fait son apparition, assassinant quelques-unes des jeunes filles de l’établissement en prenant soin de faire disparaître les corps et toutes traces du forfait. La première séquence de meurtre, à ce titre, s’avère extrêmement graphique, nimbée d’une musique entêtante, d’un ralenti onirique et d’une succession de fondus enchaînés qui muent quasiment l’horreur en abstraction picturale.

Trouvailles narratives et esthétisme gothique

Débordant d’audace, le metteur en scène Narciso Ibañez-Serrador ose d’autres séquences mémorables, comme celle où l’une des pensionnaires exulte dans la grange, le son de ses ébats amoureux résonnant dans la tête de toutes ses camarades, enfermées dans un cours de broderie, ivres de jalousie et d’envie. Rarement frustration aura été montrée à l’écran avec autant de génie visuel et sonore. Ces trouvailles narratives et cet esthétisme volontiers gothique font oublier les quelques pertes de rythme que subit l’intrigue dans sa seconde partie. Quant à la chute du film, véritable coup de poing émotionnel, elle fait définitivement basculer La Résidence dans l’horreur psychologique, la surprise étant moins liée à l’identité du tueur qu’à son mobile, hallucinant, monstrueux, et pourtant terriblement logique. Souvent considéré comme le point de départ officiel du cinéma d’épouvante en Espagne, le film de Narciso Ibañez-Serrador sortit aux États-Unis sous le titre The House That Screamed.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article