MAD HEIDI (2022)

Le « premier film de Swissploitation » est une parodie gore et burlesque des aventures de la célèbre orpheline suisse…

MAD HEIDI

 

2022 – SUISSE / FINLANDE

 

Réalisé par Johannes Hartmann et Sandro Klopfstein

 

Avec Alice Lucy, Max Rüdlinger, Casper Van Dien, David Schofield, Almar Sato, Kel Matsena, Leon Herbert, Pascal Ulli, Katja Kolm, Julia Föry, Milo Moiré

 

THEMA POLITIQUE FICTION

Il faut se méfier des « films concepts » trop prometteurs. Bien souvent, les concepts sont bien plus réjouissants que les films eux-mêmes. C’est hélas le cas de Mad Heidi, dont le titre annonce très clairement les ambitions : une relecture impertinente, façon film d’exploitation décomplexé, des célèbres récits pour enfants mettant en scène la gentille petite Heidi dans les montagnes suisses. L’idée était pourtant alléchante, alimentée par une bande-annonce exubérante tournée en trois jours avec Jessy Moravec dans le rôle principal. Diffusé en été 2017, ce teaser permet de démarrer une campagne internationale de financement participatif à l’issue de laquelle deux millions de francs suisses sont réunis. Lorsque Casper Van Dien (Starship Troopers, Tarzan et la cité perdue, Sleepy Hollow) est annoncé au casting, l’intérêt pour ce film potache invraisemblable redouble. Le tournage démarre à l’automne 2021, Alice Lucy remplaçant finalement Jessy Moravec sous la défroque de « Mad Heidi ». Avant le premier tour de manivelle, la comédienne bénéficie de deux semaines et demie d’entraînement pour pouvoir assurer les nombreuses scènes de combats prévues dans le scénario. Vingt-sept jours plus tard, les prises de vues sont en boite et le long travail de post-production et d’effets spéciaux numériques peut commencer.

L’entame du film force l’admiration par son ambition visuelle : il s’agit du panorama d’une Suisse imaginaire où s’étalent sur la même plan, balayés par un ample mouvement de grue, les Alpes, un téléphérique, un petit village, une sinistre usine fumante, une pancarte publicitaire à la gloire du fromage Meili, des gardes armés, une statue antique et une foule de manifestants. Ces derniers, en révolte contre le monopole fromager imposé par le gouvernement, sont massacrés par des soldats armés jusqu’aux dents. Dans cette Suisse dystopique tombée sous le joug fasciste d’un président tyrannique incarné par Casper Van Dien, une seule marque de fromage est acceptée par le gouvernement, les intolérants au lactose sont conspués et les marques concurrentes considérées comme illégales. Les trafiquants sont donc violemment réprimandés. Heidi, elle, mène une vie tranquille dans la montagne, loin de la tourmente, couvée par son grand-père Alpöhi (David Schofield) et chérie par son bien-aimé Peter le gardien de chèvres (Kel Matsena). Mais cette existence paisible s’apprête à basculer dans le drame…

« J’adore l’odeur du fromage au petit matin »

On ne pourra reprocher à Mad Heidi ni son manque d’audace, ni sa mise en forme soignée. Mais l’idée délirante à l’origine du projet se serait sans doute mieux adaptée à un court-métrage qu’à un format long. La mauvaise gestion du rythme du film fixe rapidement les limites du concept, tout comme ses hésitations permanentes sur la bonne tonalité. La prestation autoparodique de Casper Van Dien qui reprend le fameux slogan « I’m doing my part » emprunté à Starship Troopers, joue avec un faux accent allemand improbable et parade en slip rouge aux couleurs du drapeau suisse arrache quelques sourires malgré son absence radicale de subtilité. Le long calvaire d’Heidi dans les geôles suisses, inspiré des films de prisons de femmes des années 70, semble presque appartenir à un autre film qui se prendrait plus au sérieux. Mad Heidi nous livre aussi pèle mêle des passages gore excessifs, de la nudité, des soldats aux allures de nazis, des répliques référentielles (« j’adore l’odeur du fromage au petit matin »), une séance d’apprentissage à la Karate Kid, un combat de gladiateurs contre un guerrier cornu en armure, un « ultra fromage » qui transforme tous ceux qui le mangent en zombies surpuissants et bien sûr une fin ouverte vers une suite potentielle. Cette accumulation généreuse d’idées folles peine malheureusement à s’harmoniser de manière cohérente et donne le sentiment d’avoir assisté au résultat non filtré d’un brainstorming joyeusement arrosé. C’est sympathique, certes, mais rapidement oubliable.

 

© Gilles Penso


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