10 CLOVERFIELD LANE (2016)

Après un accident de voiture, une jeune femme se retrouve enfermée dans un bunker souterrain, sous la garde d’un homme au comportement étrange…

10 CLOVERFIELD LANE

 

2016 – USA

 

Réalisé par Dan Trachtenberg

 

Avec Mary Elizabeth Winstead, John Goodman, John Gallagher Jr, Maya Erskine, Mat Vairo, Douglas M. Grifin, Cindy Hogan

 

THEMA CATASTROPHES I EXTRA-TERRESTRES I SAGA CLOVERFIELD

Au départ, 10 Cloverfield Lane n’avait rien à voir avec Cloverfield. Le projet s’appelait alors The Cellar (« la cave ») et devait être produit par Insurge Pictures, une branche du studio Paramount spécialisée dans les films aux budgets modestes. Le huis-clos post-apocalyptique co-écrit par Josh Campbell et Matt Stuecken se prêtait bien au cahier des charges de cette filiale. Mais Insurge Pictures ferme finalement ses portes et The Cellar se retrouve sur le carreau. En tombant sur le scénario, J.J. Abrams se dit qu’il suffirait de quelques réaménagements pour le lier – ne serait-ce que de manière très discrète – au Cloverfield de Matt Reeves qu’il a produit en 2008. Le cinéaste Damien Chazelle (qui vient de faire sensation avec Whiplash) est embauché pour retravailler le récit avec les deux auteurs originaux et c’est finalement la maison mère Paramount qui produit le film. Pour la mise en scène de 10 Cloverfield Lane, ce n’est pas un vétéran qui est approché mais au contraire un nouveau-venu, Dan Trachtenberg, connu alors pour une poignée de courts-métrages ambitieux. Le pari est audacieux, d’autant que l’efficacité du film doit reposer en grande partie sur la minutie de sa réalisation et la direction de ses acteurs

Mary Elizabeth Winstead, qui jouait la fille de Bruce Willis dans Die Hard 4, incarne Michelle, une jeune femme chamboulée après avoir rompu avec son fiancé Ben. Elle débarrasse en vitesse son appartement, fait ses valises et quitte la Nouvelle-Orléans. Tout se joue sans dialogue, en musique, aux accents d’une très belle partition signée Bear McCreary. Ben (à qui Bradley Cooper prête sa voix) laisse des messages sur son répondeur, la radio signale plusieurs pannes dans les grandes villes, l’atmosphère s’alourdit progressivement… puis c’est le choc. La voiture de Michelle entre en collision avec un autre véhicule et se lance dans une série de tonneaux. Lorsqu’elle reprend conscience, la jeune femme découvre qu’elle est enfermée dans une salle en béton. Le propriétaire des lieux, Howard (John Goodman), affirme qu’il lui a sauvé la vie et qu’elle doit rester avec lui dans son bunker souterrain. En effet, une attaque d’origine inconnue a décimé toute vie à l’extérieur. Mais dit-il la vérité ?

Huis-clos

L’intensité oppressante du huis-clos qui s’installe dès les premières minutes de 10 Cloverfield Lane repose majoritairement sur la personnalité insaisissable du geôlier/protecteur incarné par John Goodman. À l’instar de l’héroïne, le spectateur ne sait jamais vraiment sur quel pied danser et comment appréhender ce personnage équivoque. L’indiscutable capital sympathie de Goodman se prête à merveille à cette ambiguïté, sa corpulence toujours aussi impressionnante se révélant à double tranchant (à mi-chemin entre le nounours et l’ogre). L’économie de moyens du film et l’unité de lieu renforcent habilement l’efficacité des nombreuses séquences de suspense (psychologiques, physiques ou les deux). Par moments, cette épure nous rappelle celle d’une scène de théâtre. Le réalisateur fait d’ailleurs le choix de tourner toutes les séquences dans l’ordre chronologique, afin de permettre aux comédiens de faire évoluer leurs personnages en même temps que l’intrigue. Si Goodman excelle comme toujours, Mary Elizabeth Winstead nous convainc tout autant par sa pleine implication, ce qui permet aux spectateurs de s’identifier à elle d’un bout à l’autre du métrage. John Gallagher Jr, qui incarne le troisième larron, apporte une touche légère qui rééquilibre les forces en présence. 10 Cloverfield Lane fonctionne donc à plein régime, jusqu’à un dernier acte grandiloquent qui cherche un peu maladroitement à convoquer l’imagerie du premier Cloverfield et sabote une partie de la construction dramatique du film. Un final plus minimaliste et plus « terre à terre » n’aurait pas été pour nous déplaire.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article