EVIL DEAD RISE (2023)

Ellie vit avec ses trois enfants dans un immeuble vétuste de Los Angeles. Mais un démon invoqué par mégarde prend possession de son âme…

EVIL DEAD RISE

 

2023 – USA

 

Réalisé par Lee Cronin

 

Avec Tim Alyssa Sutherland, Lily Sullivan, Nell Fisher, Morgan Davies, Jayden Daniels, Mark Mitchinson, …

 

THEMA ZOMBIES I DIABLE ET DEMONS I SAGA EVIL DEAD

La saga Evil Dead initiée en 1981 a probablement déjà dépassé toutes les attentes de ses créateurs en termes de longévité au vu de sa dramaturgie limitée visant avant tout à maltraiter son personnage principal au cours de péripéties de plus en plus cartoonesques. Devant l’impossibilité de développer une intrigue digne de ce nom sur une mythologie tenant du prétexte (des incantations réveillent des démons qui prennent possession du premier pékin venu), le remake de Fede Alvarez en 2013 se contente dès lors de refaire très efficacement et avec plus de moyens ce que Raimi avait bricolé avec des bouts de ficelle. Evil Dead Rise se pose dès lors comme le premier rejeton s’émancipant enfin du concept initial de Sam Raimi, dont le style de réalisation constituait en fait la véritable vedette et le cœur de la trilogie initiale. Pour mieux signifier cette rupture bienvenue, le réalisateur Lee Cronin (un novice pourtant puisqu’il s’agit de son second long-métrage après The Hole in the Ground, re-titré The only Child en DVD chez nous) ouvre son film sur un de ces longs travelings aériens en vue subjective dans une forêt qui constitue la marque de fabrique de la franchise, invitant le cinéphile à constater la supériorité technologique moderne par rapport au système D du Evil Dead original, avant de révéler qu’il s’agissait effectivement d’une caméra montée sur drone ! Il s’agira néanmoins du seul trait d’humour méta d’un film sec comme la vieille carne d’une « deadite », ces créatures démoniaques qui hantent la franchise.

Après une courte scène d’introduction que Marvel aurait volontiers servi en scène post-générique, Evil Dead Rise nous transporte à Los Angeles (en réalité la NouvelleZélande) et introduit Beth (Lily Sullivan) qui, découvrant qu’elle est enceinte, s’en va rendre visite à sa sœur Ellie (Alysson Sutherland), vivant dans un immeuble en passe d’être démoli, avec ses trois enfants. Comme pour souligner la situation précaire des sœurs, un tremblement de terre survient, ouvrant une faille au sous-sol dans laquelle Danny (Morgan Davies), le fils de Beth, découvre par hasard le Livre des Morts. Les incantations qu’il contient ramènent des enfers un démon qui va prendre tout d’abord possession de sa mère, puis des autres occupants de l’immeuble, bloqués là en raison d’un ascenseur défaillant. Si, comme dans le remake de 2013, le rôle principal échoit à nouveau à une femme, il n’est nullement question de se conformer au diktat de l’inclusivité moderne. Les velléités féministes ne sont évidemment pas un souci en soi, mais on remarquera ici (ou pas justement) leur intégration organique dans le cadre de l’horreur. Ainsi, si l’héroïne évoque volontiers Sigourney Weaver ou Jamie Lee Curtis dans sa façon d’en découdre avec les démons, Cronin évite l’écueil du féminisme 2.0 qui l’aurait probablement poussé à donner le rôle du « méchant » à un homme. Il préfère au contraire pervertir la sacro-sainte figure maternelle, en mettant en scène une mère infanticide. Pour autant, malgré le calvaire vécu par la plus petite fille de la fratrie, il n’est jamais question de transformer le film en drame ou d’intellectualiser son propos pour échapper à son statut de série B du samedi soir : Evil Dead Rise s’inscrit parfaitement dans la continuité tonale de son prédécesseur, en se montrant agressif et sec. Même les deux « jump scares » totalement factices survenant avant la lecture des incantations contribuent en fait à nous faire baisser la garde pour mieux nous prendre à la gorge quand le mal se manifeste.

Le changement dans la continuité

Evil Dead Rise réussit là où de nombreuses suites échouent, en trouvant le parfait équilibre entre la familiarité et la nouveauté. Car si le décor (un immeuble résidentiel dans un milieu urbain) et le profil des personnages (deux femmes et des enfants) changent à priori la donne, le cahier des charges et la dynamique définis par Sam Raimi n’en restent pas moins respectés, du déroulement en huis clos aux gimmicks habituels : la tronçonneuse, un clin d’oeil à Henrietta, des deadites bondissants et des hectolitres d’hémoglobines ! Concernant les effets gore, que les fans de la première heure se rassurent : à défaut d’être entièrement réalisés à l’ancienne, les trucages utilisent à bon escient les possibilités offertes par le numérique pour les compléter, jamais pour les supplanter. Lee Cronin se permet toutefois quelques audaces payantes en intégrant et en citant des références inattendues, comme Shining (avec un joli hommage graphique mais surtout thématique puisqu’il s’agit ici aussi d’un parent possédé s’en prenant à son enfant), Lovecraft (la deadite finale) et Aliens (l’attitude de Beth et sa relation avec sa nièce), le tout sans jamais verser dans la distanciation méta ou le second degré. Le résultat dépasse ainsi largement les espoirs tout relatifs (et c’est un euphémisme) mis dans cette suite que personne n’attendait vraiment dans le contexte d’un cinéma commercial versant de plus en plus souvent dans la nostalgie fabriquée ou le second degré cynique et désinvolte. Pas prétentieux pour un sou, Evil Dead Rise remplit son contrat en parvenant à émuler la tension et l’hystérie qui constituent la marque de fabrique de la saga.

 

© Jérôme Muslewski


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