LE MESSAGER DU DIABLE (1965)

Boris Karloff incarne un patriarche en pleine mutation dans cette adaptation de la nouvelle de H.P. Lovecraft « La Couleur tombée du ciel »…

DIE, MONSTER, DIE !

 

1965 – GB / USA

 

Réalisé par Daniel Haller

 

Avec Boris Karloff, Nick Adams, Suzan Farmer, Freda Jackson, Patrick Magee, Paul Farrell, Terrence de Marney

 

THEMA MUTATIONS

Publiée en 1927, « La Couleur tombée du ciel » est probablement l’une des nouvelles les plus terrifiantes d’H.P. Lovecraft. L’atmosphère cauchemardesque qui s’y développe repose en grande partie sur des abominations indescriptibles. La retranscription à l’écran d’un tel récit était donc une véritable gageure, face à laquelle ne recula pourtant guère le studio AIP, qui se frotta déjà à Lovecraft avec La Malédiction d’Arkham. Pour réaliser Le Messager du diable, on fit appel à Daniel Haller, dont ce fut le premier film en tant que metteur en scène, mais qui œuvra comme directeur artistique sur la plupart des adaptations d’Edgar Poe réalisées par Roger Corman pour AIP, de La Chute de la maison Usher à La Tombe de Ligeia. On ne s’étonnera donc guère de retrouver ici une ambiance, des décors, des personnages et des thématiques très proches du cycle Corman/Poe. L’intrigue initiale, située dans une ferme de la Nouvelle Angleterre, a du coup été transposée dans un vieux château familial au beau milieu de la campagne britannique.

C’est là que débarque un beau jour l’Américain Stephen Rheinhart (Nick Adams), tout heureux de retrouver sa petite amie Susan (Suzan Farmer). Mais il déchante quelque peu en découvrant sa famille. Le père, Nahum Witley (Boris Karloff), est un tyran irascible cloué sur un fauteuil roulant, et la mère, Letitia (Freda Jackson), est enfermée dans sa chambre, souffrant d’un mal étrange. Sans parler des domestiques, guère plus avenants. Helga, la servante, a disparu corps et bien, mais réapparaît nuitamment sous forme d’une silhouette encapuchonnée. Quant au vieux Merwyn, il meurt une nuit en hurlant, laissant derrière lui une étrange traînée noire. L’explication de tous ces mystères réside dans la chute d’une météorite au beau milieu de la lande. La végétation alentour s’étant soudainement développée outre mesure, Nahum Witley décida d’en tirer profit pour raviver ses terres en friche. Mais c’était compter sans les effets secondaires de la pierre. Car les radiations qu’elle émet provoquent bientôt de terrifiantes mutations. Les plantes pourrissent prématurément, les animaux se déforment et les humains son atteint de dégénérescence et de folie meurtrière.

Métal incandescent

Daniel Haller parvient sans trop de mal à installer un climat inquiétant, bénéficiant visiblement de moyens plus conséquents que Corman pour visualiser les horreurs de son scénario. D’où des maquillages horrifiques peu subtils mais très efficaces concrétisant les mutations de la famille Witley, et quelques trucages visuels surprenants, notamment l’ultime métamorphose de Karloff, dont le corps prend la texture d’un métal incandescent. Parmi les séquences les plus mémorables du film, on retiendra surtout la visite dans la serre, où les plantes attaquent Susan et où de monstrueux animaux gémissent dans des cages. Furtivement aperçues, ces horreurs difformes sont bien dignes des récits tourmentés de Lovecraft, mais on ne peut en dire autant du film tout entier, qui échoue majoritairement dans la transposition du texte initial. Au détour du casting, on reconnaît dans le rôle d’un médecin acariâtre Patrick Magee, qui allait crever l’écran six ans plus tard dans Orange mécanique.

 

© Gilles Penso


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