SEPT JOURS EN MAI (1964)

John Frankenheimer dirige Burt Lancaster et Kirk Douglas dans une Amérique légèrement futuriste où la guerre froide sème la discorde…

SEVEN DAYS IN MAY

 

1964 – USA

 

Réalisé par John Frankenheimer

 

Avec Burt Lancaster, Kirk Douglas, Frederic March, Ava Gardner, Edmond O’Brien, Martin Balsam, Andrew Duggan, Hugh Marlowe, Whit Bissell, Helen Kleeb

 

THEMA POLITIQUE-FICTION

Deux ans après la crise des missiles de Cuba, la guerre froide bat toujours son plein et motive la réalisation de films témoignant de l’inquiétude générale qui frappe alors l’Amérique. Coups sur coup sortent ainsi sur les écrans Docteur Folamour, Point limite et Sept jours en mai qui, chacun à leur manière, anticipent sur la manière dont la situation pourrait facilement dégénérer. « Sept jours en mai » est d’abord un roman écrit au début des années soixante par Fletcher Knebel et Charles W. Bailey II, sous le premier mandat de John Kennedy. Le livre s’inspire notamment de l’opposition entre le président et le général Edwin Walker, farouchement anticommuniste. La transposition du roman à l’écran se fait à l’initiative de John Frankenheimer et de Kirk Douglas, à travers sa compagnie Joel Productions. Le scénariste du film n’est autre que Rod Serling, légendaire créateur de La Quatrième dimension et futur auteur du script de La Planète des singes. Le cadre du récit est légèrement futuriste puisque l’action se déroule au début des années 70. Mais cette anticipation reste volontairement discrète, à travers certaines technologies, armes et décors en avance sur leur temps. Car Frankenheimer cherche avant tout le réalisme et la tangibilité.

En 1970, la guerre froide reste un problème sécuritaire et politique majeur, ce qui conduit le président américain Jordan Lyman (Frederic March) à signer un traité de désarmement nucléaire avec l’Union soviétique. Cependant, la ratification ultérieure du traité par le Sénat américain produit une vague de mécontentement, en particulier parmi l’opposition politique de Lyman ainsi que parmi les militaires, persuadés qu’il est impossible de faire confiance aux Russes. La popularité de Lyman atteint son niveau le plus bas alors que des émeutes éclatent devant la Maison-Blanche. C’est dans ce contexte tendu que Jiggs Casey (Kirk Douglas), un colonel du corps des Marines, découvre par hasard que l’hyper-patriotique général James Mattoon Scott (Burt Lancaster) — idole des foules et des conservateurs — prépare en douce une action visant à destituer Lyman en sept jours. Sa stratégie consiste, sous couvert d’un exercice d’entraînement de routine, à mettre en place une unité secrète pour prendre le contrôle des réseaux de téléphone, de radio et de télévision du pays avec l’appui des généraux et amiraux de l’armée. Comment empêcher un tel coup d’État ?

Paranoïa

Millimétrée, la mise en scène de Frankenheimer laisse souvent les acteurs s’exprimer et se réorganiser dans l’espace au fil de longs plan-séquence habiles mais volontairement non ostentatoires. C’est en creux que se dévoile la virtuosité du cinéaste, s’effaçant volontairement derrière son sujet pour donner toute la latitude de jeu nécessaire à son casting quatre étoiles. Burt Lancaster est parfait en général extrémiste, au point qu’il occulte presque la présence de Kirk Douglas par son incroyable charisme. La présence féminine, quant à elle, se révèle limitée et stéréotypée, comme en témoigne le rôle schématique que tient Ava Gardner. Nous étions alors dans une ère où les hommes étaient souvent les grands décisionnaires et les femmes leurs subordonnées. Telle était l’Amérique des années soixante. On regrette évidemment certains raccourcis scénaristiques faciles et un discours final pacifiste qui enfonce les portes ouvertes, mais étant donnée le contexte dans lequel fut réalisé film et la peur viscérale qui envahissait les consciences de l’époque, une telle séquence fait sens. Comme souvent chez Frankenheimer, les écrans sont omniprésents, qu’il s’agisse des projections d’images dans le bureau du général, des dispositifs avant-gardistes de visioconférence ou des moniteurs de télévision lors de la conférence de presse finale. Cette saturation d’images démultipliées renforce le caractère paranoïaque du film (Big Brother n’est pas loin), tout comme la musique minimaliste de Jerry Goldsmith dont les accords au piano et les roulements de caisse claire rythment nerveusement les moments clés du film.

 

© Gilles Penso


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