GAME OF THRONES (2011-2019)

Adaptée des écrits de George R.R. Martin, cette série historico-fantastique à grande échelle a bouleversé à tout jamais les codes de la fiction télévisée…

GAME OF THRONES

 

2011/2019 – USA

 

Créée par David Benioff et D.B. Weiss

 

Avec Peter Dinklage, Lena Headey, Emilia Clarke, Kit Harrington, Sophie Turner, Maisie Williams, Nikolaj Coster-Waldau, Iain Glen, John Bradley

 

THEMA HEROIC FANTASY I DRAGONS I SORCELLERIE ET MAGIE I ZOMBIES

Porter à l’écran la saga littéraire « Le Trône de fer » de George R.R. Martin n’était pas une chose simple. Plusieurs producteurs y songèrent par le passé, envisageant des adaptations pour le cinéma. L’écrivain passa cependant son tour, persuadé que la densité du matériau écrit serait impossible à condenser sous forme d’un long-métrage, voire même plusieurs. Lorsque le scénariste David Benioff (La 25ème heure, Troie, Stay) tente sa chance à son tour, c’est avec en tête une transposition des romans pour le petit écran, via une série au long cours libérée des contraintes habituelles de la censure et bénéficiant de budgets confortables. La chaîne HBO a en effet prouvé ses capacités dans ce domaine, notamment avec la série exemplaire Rome qui ne se réfrénait ni sur les gros moyens, ni sur la violence, ni sur le sexe, se hissant presque par moments au même niveau que le pourtant titanesque Gladiator de Ridley Scott. Après une longue conversation avec Benioff, Martin est convaincu et HBO donne son feu vert, allouant à chaque épisode un budget colossal d’au moins six millions de dollars. L’histoire de la télévision ne sera désormais plus la même. Il y aura un avant et un après Game of Thrones.

Le monde médiéval de Game of Thrones n’a au départ pas grand-chose de fantastique. La magie, le surnaturel, les envoûtements et les monstres semblent être de lointains souvenirs, dans un contexte finalement très réaliste qui semble puiser une partie de son inspiration dans les guerres bien réelles « des Cent Ans » et « des Deux-Roses » ayant frappé l’Europe du quatorzième et du quinzième siècle. Sur les deux continents imaginés par George R.R. Martin, Westeros et Essos, la série s’articule autour de trois arcs dramatiques simultanés : la guerre civile au sein de Westeros pour la conquête du trône de fer des sept royaumes, les menaces permanentes que font peser sur les habitants de Westeros les peuples barbares des Terres du Nord et d’Essos, et les tentatives d’un monarque déchu et exilé pour récupérer sa couronne. Les intrigues politiques, romantiques, familiales et militaires qui se déploient telles des tentacules sur l’ensemble de la série n’auraient rien de foncièrement palpitant si la mise en scène n’était pas si solide, les dialogues si incisifs et les personnages si truculents (à ce titre le casting est un véritable tour de force, chaque acteur donnant corps à merveille à cette galerie de figures rarement sympathiques). Car tel est le paradoxe de Game of Thrones : réussir à faire passer par la force de sa mise en forme une structure narrative pas toujours très rigoureuse, s’appesantissant parfois pour laisser un acteur faire son numéro ou pour jouer un peu gratuitement la carte de la provocation.

La chair et le sang

En effet, débridée grâce à son indépendance, la chaîne HBO autorise tous les excès et Game of Thrones en profite. Certes, les temps médiévaux n’étaient pas tendres, tout le monde le sait. Mais l’on ne peut s’empêcher d’appréhender les séquences de violence et de nudité qui ponctuent chaque épisode sur un rythme métronomique comme l’obéissance un peu puérile à un cahier des charges inutilement racoleur. Du sang et des fesses, pourquoi pas, mais à condition que l’intrigue y gagne quelque chose ! Il suffit de regarder La Chair et le sang de Paul Verhoeven pour s’en convaincre. Ce systématisme aura cependant tendance à s’atténuer au fil des saisons, alors même que le fantastique s’invite peu à peu dans un contexte jusqu’alors très terre-à-terre. Et c’est justement grâce à la crédibilité de l’univers bâti pendant les premières saisons que les téléspectateurs acceptent sans sourciller le surgissement des sorcières, des géants, des morts-vivants et des dragons (d’autant que les effets spéciaux sollicités pour leur donner corps sont de très grande qualité). Plus la série avance, plus les séquences de bataille se révèlent spectaculaire, cherchant presque à rivaliser avec les échauffourées monstrueuses de la saga du Seigneur des anneaux. Plus qu’un succès télévisuel, Game of Thrones s’est mué en phénomène de société aux répercussions planétaires. Il n’est pas rare que des enfants nés pendant sa diffusion aient été affublés du nom de certains des personnages de la série. Quant au thème musical épique composé par Ramin Djawadi, il aura été décliné à toutes les sauces, y compris dans la série spin-off House of the Dragon.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article