SAW X (2023)

Le redoutable John Kramer est de retour dans cet épisode flash-back qui se situe entre les deux premiers opus de la sanglante saga…

SAW X

 

2023 – USA

 

Réalisé par Kevin Greutert

 

Avec Tobin Bell, Shawnee Smith, Synnøve Macody Lund, Steven Brand, Renata Vaca, Joshua Okamoto, Octavio Hinojosa, Paulette Hernandez, Jorge Briseño

 

THEMA TUEURS I SAGA SAW

Jigsaw et Sirale n’ayant pas particulièrement convaincu le public, malgré les efforts de Lionsgate pour faire croire que la saga Saw prenait une nouvelle dimension en sollicitant de nouveaux metteurs en scène (les frères Spierig) et quelques têtes d’affiche (Chris Rock, Samuel L. Jackson), le studio décide de revenir aux bonnes vieilles recettes et de rappeler derrière la caméra le réalisateur de Saw 6 (dont on ne vantera jamais assez la merveilleuse sonorité du titre) et d’un Saw chapitre final au titre aussi mensonger que celui de Vendredi 13 chapitre final. Pour que le retour aux sources soit complet, pourquoi ne pas solliciter l’acteur vedette de la franchise, autrement dit Tobin Bell ? Petit problème : son personnage est mort depuis le troisième épisode. Greutert et ses scénaristes Pete Goldfinger et Josh Stolberg jouent donc la carte de la prequel. Saw X se situe ainsi chronologiquement entre Saw et Saw 2. Pourquoi pas ? Après tout, cette saga ne cesse de bousculer sa propre chronologie en truffant ses épisodes de flash-backs révélateurs. Mais Tobin Bell a désormais 81 ans. Essayer de faire croire aux spectateurs qu’il en a vingt de moins (pour assurer la continuité avec le premier Saw) nécessite de leur part une sacrée suspension d’incrédulité.

Contre toute attente, Saw X démarre tout en douceur, presque à pas feutrés. L’intrigue prend son temps, avance tranquillement, sur un rythme auquel les films précédents ne nous ont pas habitué. C’est plutôt bon signe, témoignage d’une envie manifeste de casser les habitudes. Nous avons certes droit à une scène de piège/torture assez tôt dans le métrage, mais c’est un prétexte quasiment assumé comme tel, une manière de dire au public : « Ne vous inquiétez pas, vous êtes bien dans Saw, soyez patients. » Le scénario s’intéresse à la lutte de John Kramer contre le cancer qui le ronge et à ses maigres espoirs de guérison qui n’entament pas pour autant ses penchants naturels pour une justice expéditive, cruelle et sophistiquée. À une femme médecin qui l’interroge sur ses hobbies, il répond : « J’aide les gens à surmonter leurs obstacles intérieurs, à apporter des changements positifs dans leur vie. » La réplique fait rire au second degré, mais elle reflète bien l’état d’esprit de Kramer, persuadé que ses exactions sanglantes sont bien fondées. Notre homme a un code d’honneur et s’y tient.

« Ce n’est pas un châtiment, c’est un réveil »

Cette entame laisse planer beaucoup d’espoirs, qui s’envolent malheureusement à mi-parcours du film. Car lorsque l’intrigue se met enfin en place, la saga retrouve ses travers, ses raccourcis scénaristiques habituels et ses incohérences qu’il nous faut accepter sans sourciller malgré bon nombre d’énormités. La routine se réinstalle donc, véhiculant un fâcheux effet de déjà vu (depuis vingt ans que dure la saga, la mécanique commence à gripper sérieusement), d’autant que les pièges nous semblent moins inventifs que d’habitude, comme si les scénaristes eux-mêmes n’y croyaient plus, comme si Greutert commençait à se lasser de faire tourner frénétiquement sa caméra autour des victimes hurlante en surchargeant sa bande son de bruitages stridents et de musique agressive. C’est d’autant plus dommage que Tobin Bell campe un Jigsaw plus attachant et plus humain qu’à l’accoutumée, se muant en véritable héros du film, même si ses méthodes n’ont rien perdu de leur mordant. « Ce n’est pas un châtiment, c’est un réveil » dit-il à ses captifs. Pour nous, en revanche, c’est la lassitude qui finit par prendre le pas.

 

© Gilles Penso


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