THANKSGIVING : LA SEMAINE DE L’HORREUR (2023)

Eli Roth détourne le faux teaser qu’il avait réalisé pour le programme Grindhouse et en tire un slasher conventionnel malgré quelques fulgurances…

THANKSGIVING

 

2023 – USA

 

Réalisé par Eli Roth

 

Avec Patrick Dempsey, Neil Verlaque, Addison Rae, Jalen Thomas Brooks, Milo Manheim, Rick Hofman, Gina Gershon, Tomaso Sanello, Gabriel Davenport

 

THEMA TUEURS

Au départ, les teasers de faux films projetés en guise d’entractes pendant le double programme « Grindhouse » de Quentin Tarantino et Robert Rodriguez, Boulevard de la mort et Planète terreur, n’étaient que des blagues potaches censées raviver brièvement l’imagerie du cinéma d’exploitation des années 70. Mais en 2010, Rodriguez transforme la bande-annonce de Machete en vrai film et remporte un certain succès (il le dotera même d’une suite, Machete Kills). Dans la foulée, Jason Eisener se prête au jeu à son tour en tirant un long-métrage complet du trailer de Hobo with a Shotgun. Pourquoi ne pas continuer à prolonger le plaisir ? C’est dans cet état d’esprit qu’Eli Roth s’attaque à la version longue de Thanksgiving, dont il co-écrit le scénario avec Jeff Rendell. Le trailer réalisé en 2007 mettait en scène un tueur masqué semant la terreur dans une petite ville américaine, assassinant une ménagère, décapitant un homme déguisé en dinde et massacrant les jeunes couples en pleine extase, avec en prime des extraits de la bande originale de Creepshow, un flic incarné par Michael Biehn, une voix off exagérément grave, une patine de vieux film couvert de rayures et beaucoup d’humour noir. Ce réjouissant exercice de style allait-il passer sans heurt le cap du court au long format ?

L’entrée en matière de Thanksgiving est pour le moins surprenante : une émeute dans un supermarché local de la petite ville de Plymouth, dans le Massachusetts. La folie furieuse des clients transformés en bêtes sauvages, appâtés par la bonne affaire au point de tout piétiner sur leur passage, provoque un massacre dont Michael Myers ou Jason Voorhes eux-mêmes seraient jaloux. Endeuillée par ce bain de sang incontrôlable, la bourgade panse ses blessures. Un an plus tard, personne n’a oublié le drame. Alors que la période de Thanksgiving approche à grands pas, un tueur mystérieux habillé en noir et portant le masque de John Carver (le fameux « père pèlerin » qui organisa le voyage du Mayflower en 1620) commence à éliminer violemment plusieurs personnes présentes un an plus tôt dans le magasin. Tout le monde finit par se sentir menacé et à émettre des doutes sur l’identité de ce serial killer adepte des réseaux sociaux qui s’amuse à narguer la police en postant des photos de ses exactions…

« Il n’y aura pas de restes »

Le démarrage du film laissait espérer un peu de sang neuf, mais force est de constater que la mécanique classique des slashers post-Scream et Souviens-toi l’été dernier est très sagement appliquée par Eli Roth, comme si son film arrivait avec près de trente ans de retard. Les étudiants qui se chamaillent dans les couloirs du lycée, le tueur masqué qui se faufile dans l’ombre, la police qui cherche des pistes, les relations orageuses entre enfants et parents, rien ne nous est épargné. Tous les clichés brocardés par Roth dans la bande-annonce de 2007 sont ici méthodiquement appliqués au premier degré. Certes, quelques répliques jouent la carte de la dérision (« bientôt ce ne seront pas les prix qui seront coupés en deux mais nous »), mais elles sonnent faux dans la bouche de personnages désespérément monolithiques. Même la scène du massacre de la cheerleader sur le trampoline – reprise du teaser – a perdu son caractère parodique. Sans chercher à suivre la voix des Scary Movie, Thanksgiving aurait tout de même pu nous offrir autre chose que ce film d’horreur sympathique, certes, mais bien peu novateur, malgré quelques scènes de suspense inventives et une poignée de meurtres franchement gratinés. Dommage par exemple qu’Eli Roth n’ait pas cherché à retrouver la saveur rétro décomplexée qu’avait adoptée son camarade Robert Rodriguez dans Planète terreur. Le résultat aurait sans doute été plus réjouissant et moins convenu.

 

© Gilles Penso


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