BIS (2015)

Kad Merad et Franck Dubosc incarnent deux hommes redevenant miraculeusement lycéens et s’offrant une chance de changer leur destin…

BIS

 

2015 – FRANCE

 

Réalisé par Dominique Farrugia

 

Avec Franck Dubosc, Kad Merad, Alexandra Lamy, Gérard Darmon, Julien Boisselier, Anne Girouard, Eléonore Grosset, Antonin Chalon, Fabian Wolfrom

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

De Peggy Sue s’est mariée à 17 ans encore en passant par Camille redouble ou La Machine à démonter le temps, le concept de l’adulte qui redevient adolescent comme par magie pour que la vie lui offre une seconde chance est presque devenu un sous-genre à part entière de la comédie fantastique. Pour son sixième long-métrage en tant que réalisateur, Dominique Farrugia décide de s’engouffrer dans la brèche en s’appuyant sur deux têtes d’affiches extrêmement populaires auprès du grand public français. Franck Dubosc (déjà présent dans le précédent film de Farrugia, Le Marquis) et Kad Merad (hyperactif sur les écrans depuis le succès de Bienvenue chez les Ch’tis) incarnent Éric et Patrice, deux amis inséparables depuis le lycée. Au fil des années, leurs destinées se sont singulièrement éloignées. Si Éric gagne chichement sa vie dans un restaurant de sushis en multipliant les conquêtes féminines et en fuyant les impôts, Patrice est un homme rangé, marié, père d’une adolescente, gynécologue et auteur à succès. Difficile d’imaginer plus grand écart entre deux parcours de vie. Un soir, après une soirée très arrosée, les deux hommes se retrouvent propulsés en 1986, à l’âge où ils avaient 17 ans. S’ils ont conservé leur attitude et leur raisonnement d’adultes, tout le monde les voit désormais sous leur apparence de lycéens. Passée la surprise et l’incompréhension, Éric et Patrice se demandent si ce n’est pas l’occasion rêvée pour changer le cours de leur vie…

Le comique de situation est bien sûr le moteur principal de Bis, mais derrière l’argument vaudevillesque affleure une nostalgie manifeste que Farrugia assume pleinement en puisant dans ses propres souvenirs d’adolescence. « Éric, c’est moi », avoue le réalisateur. « Comme lui, je ne foutais rien à l’école et mes parents étaient tous les deux restaurateurs dans le neuvième arrondissement de Paris, où j’ai passé mon enfance et où a été tourné le film. La relation qu’entretient Éric avec son père est très proche de celle que je vivais avec le mien. Cette comédie évoque d’une belle façon mes parents. » (1) Effectivement, un soin tout particulier est apporté aux seconds rôles que tiennent Julien Boisselier et Gérard Darmon, interprètes des pères respectifs de Patrice et Éric. Bourrus, dépassés par les événements, peu causants et hermétiques à toute démonstration de sentiments, ces deux représentants d’une génération devenue obsolète permettent au film d’enrichir son ambition purement comique d’une petite couche d’émotion inattendue. En filigrane, Bis brocarde aussi l’éternelle insatisfaction inhérente à la nature humaine. L’homme tranquille, père de famille bien intégré dans la société, rêve d’une existence plus libre et moins prévisible. Son ami volage, aventurier et sans attaches envie au contraire cet équilibre apaisant. Comme si l’herbe était plus verte ailleurs. Comme si « appuyer sur la touche bis » allait tout changer.

On rembobine

Pour pousser jusqu’au bout sa démarche nostalgique, Dominique Farrugia, ses décorateurs, ses costumiers et ses accessoiristes effectuent un travail minutieux de reconstitution du milieu des années 80, des magazines aux posters dans les chambres d’ados en passant par les jeux, les gadgets, les journaux, les spots de pub, les véhicules, les tenues et bien sûr la musique. Dubosc et Merad assurent, dans un duo comique qui tombe sous le sens et auquel ils ne s’étaient pourtant encore jamais prêtés. C’est en effet la première fois que les deux acteurs partagent le haut d’une affiche, même s’ils apparaissaient dans Iznogoud sans s’y croiser. Le scénario leur laisse quelques zones d’improvisation, notamment dans les scènes au cours desquelles ils tentent de pitcher des films à succès (dont Bienvenue chez les Ch’tis et Les Visiteurs) à la société de production de Claude Berri ou de convaincre Eddy Barclay de financer la comédie musicale « Les Dix Commandements ». Si la mise en scène reste minimaliste, laissant les acteurs faire leur numéro, quelques astuces visuelles permettent de rappeler aux spectateurs l’argument fantastique du film, notamment les miroirs qui reflètent nos héros sous leur apparence d’adolescents, même si nous continuons à les voir avec leurs corps d’adultes. Dommage que le scénario peine à tenir les promesses de son postulat et finisse par patiner sans échapper aux clichés et aux situations attendues, jusqu’à un final prévisible qui semble emprunter sa structure à celle de l’épilogue de Retour vers le futur – l’une des nombreuses références d’un Dominique Farrugia dont la cinéphilie n’est plus à prouver.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans Télé 7 Jours en 2015.

 

© Gilles Penso


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