30 ANS SINON RIEN (2004)

Une adolescente complexée qui rêve de devenir adulte se réveille un beau jour à l’âge de trente ans…

13 GOING ON 30

 

2004 – USA

 

Réalisé par Gary Winick

 

Avec Jennifer Garner, Mark Ruffalo, Judy Greer, Jim Gaffigan, Andy Serkis, Kathy Baker, Phil Reeves, Christa B. Allen, Sean Marquette, Alexandra Kyle, Alex Black

 

THEMA ENFANTS

Une comédie romantique fantastique : pour Jennifer Garner, c’était l’occasion rêvée d’obtenir son premier grand rôle au cinéma et de s’éloigner momentanément de la série Alias qui la fit découvrir du grand public. Engagée sur le long terme dans le show d’espionnage de J.J. Abrams, elle profita donc d’une pause pendant le tournage pour s’embarquer dans l’aventure de 30 ans sinon rien. À vrai dire, le réalisateur Gary Winick (Séduction en mode mineur, Le Petit monde de Charlotte) n’était pas spécialement fan d’Alias, mais le bagout, l’humour et le charme de la comédienne surent le convaincre. Le scénario de 30 ans sinon rien est l’œuvre de Josh Goldsmith et Cathy Yuspa, qui s’étaient déjà frottés au mélange des genres avec Ce que veulent les femmes. Officieusement, Niels Mueller (futur créateur de la série The Defenders) mit la main à la pâte pour peaufiner l’histoire. Le récit s’amorce à la fin des années 80. Jenny Rink (Christa B. Allen) est une jeune fille de 13 ans un peu à part qui rêverait de faire partie des « Six Misses », le groupe de filles le plus tendance et le plus élitiste de son lycée, quitte à s’éloigner de son meilleur ami Matt Flamhaff (Sean Marquette). Le jour de son anniversaire, Lucy (Alexandra Kyle), leader des Six Misses, lui joue un sale tour. Jenny fait alors le vœu de devenir « une femme de trente ans sexy et épanouie ». Contre toute attente, son souhait se réalise aussitôt…

Le concept du film évoque beaucoup celui de Big, source d’inspiration directe de 30 ans sinon rien. Ni le réalisateur, ni les scénaristes ne s’en cachent. L’intrigue marque tout de même une différence importante avec l’histoire imaginée par Anne Spielberg et Gary Ross. Ici, le personnage principal ne se contente pas de devenir adulte en un clin d’œil. En effet, le monde entier a grandi lui aussi d’un seul coup, passant des années 80 aux années 2000. Jenny a conservé l’esprit d’une fille de 13 ans, mais tout son environnement a évolué, comme si elle avait voyagé dans le temps et mûri physiquement sans s’en rendre compte (en prenant donc les traits de Jennifer Garner). Or l’adulte qu’elle est devenue, constat amer, est un personnage peu recommandable. Pour atteindre son rêve et devenir cette fameuse « femme de trente ans sexy et épanouie », Jenny s’est trahie elle-même. Lucy, la petite peste qu’elle admirait tant, est devenue sa collègue de travail (incarnée à l’âge adulte par Judy Greer). Quant à son meilleur ami Matt, qui a désormais pris les traits de Mark Ruffalo, il a définitivement disparu de sa vie.

La femme-enfant

L’élément fantastique qui permet ce prodige (une poudre magique achetée dans le commerce et censée exaucer tous les vœux) n’est qu’un prétexte scénaristique traité de manière évasive (un peu comme le ticket magique de Last Action Hero) car là n’est pas le point central du film. Ce qui intéresse Gary Winick, c’est moins le phénomène surnaturel que l’effet révélateur qu’il provoque chez ses personnages. Comme dans Big, l’enfant dans un corps d’adulte se retrouve employé dans une entreprise en bout de course (des fabricants de jouets dans le film de Penny Marshall, un magazine people ici) et lui apporte la fraîcheur, l’authenticité et le grain de folie nécessaires pour lui permettre de se renouveler. Une fois de plus, la candeur se heurte au cynisme et l’emporte. De fait, la fameuse scène de la chorégraphie sur le « Thriller » de Michael Jackson (qui au passage terrifia Mark Ruffalo pendant le tournage, pas sûr du tout de pouvoir se lancer dans une telle performance) fait écho de manière assumée à celle du piano géant de Big. Une foule de petits détails anodins nous font croire au postulat invraisemblable du film (la réunion de travail où Jenny écrit son nom en haut de la feuille comme s’il s’agissait d’une copie d’école, la scène du « strip-tease torride » de son petit-ami hockeyeur) tandis que le comique de situation s’appuie sur le statut anachronique de l’héroïne (qui se maquille par exemple comme une ado des années 80 pour participer à une soirée professionnelle). Jennifer Garner crève l’écran, Andy Serkis est savoureux en rédacteur en chef dépassé par les événements et Mark Ruffalo est touchant, comme toujours. Dommage que le soufflé retombe un peu au cours du troisième acte, évacuant peu à peu la comédie au profit de bons sentiments exprimés sans beaucoup de subtilité. Ironiquement – mais est-ce un hasard ? -, Jennifer Garner et Mark Ruffalo redeviendront un couple à l’occasion d’un autre film fantastique lié à un enfant se découvrant adulte : Adam à travers le temps.

 

© Gilles Penso


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